Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

C’est très à la mode en ce moment de se préoccuper de la couleur des plumes des dinosaures, depuis qu’une équipe américaine a montré, en 2008, que certaines plumes fossilisées contenaient encore des mélanosomes, qui comme nul ne l’ignore sont des organites responsables de certaines des couleurs des plumes des oiseaux. Après Anchiornis, un petit dinosaure carnivore aux plumes sombres tachetées de brun-rouge, place à Archaeopteryx himself. Lui, on le verrait bien dans les tons bleus tel que l’ont représenté le peintre tchèque Zdenek Burian et nombre de ses imitateurs (enfin je cause pour moi, dans une case de mon cerveau Archaeopteryx est bleu et accroché à un arbre…). Mais ça, c’était avant. Avant que la Science ne s’emploie à balayer ces spéculations artistiques…

L’Archaeopteryx bleuté du siècle dernier.

La vieille plume (signification d’Archaeopteryx en grec) est un sujet à part de la paléontologie : il est le plus vieil oiseau depuis 1861, même si des petits malins ont déclaré en 2011 qu’il n’était pas un oiseau, mais un dromaeosaure et donc serait le premier dinosaure à plumes découvert ! Son histoire commence vers 1860 quand une plume isolée est découverte dans une carrière de calcaire lithographique du côté de Solnhofen en Bavière. Le savant von Meyer la baptise Archaeopteryx lithographica en 1861. La même année des carriers mettent la main sur un spécimen entier, un squelette avec des plumes (manque juste le crâne) qui sera in fine acheté par le Muséum de Londres ; puis vient en 1875 un spécimen encore plus complet (avec le crâne) qui finira au Muséum de Berlin. Les paléontologues qui décrivent ces très vieux oiseaux les rapportent sans hésitation à Archaeopteryx : il s’agit du seul oiseau alors connu à l’ère Secondaire, ces squelettes viennent des mêmes carrières que la plume, alors le doute n’est guère permis. Et puis le temps passe, le XIXe siècle se termine, et le XXe aussi. Arrivent alors des quantités d’oiseaux mésozoïques et des dinosaures à plumes sortent de partout. Finalement la plume n’était pas rare au Crétacé, ni sans doute au Jurassique. L’on commence alors à se poser des questions, notamment celle-ci : la plume de 1860, qui est l’holotype d’Archaeopteryx lithographica, appartient-elle bien à la même espèce que les squelettes ? En d’autres termes, ne pourrait-elle pas, cette petite plume isolée, provenir d’une autre espèce d’oiseau, voire d’un dinosaure ? Dans ce cas le nom prestigieux d’Archaeopteryx lithographica ne s’appliquerait plus qu’à cette plume, et pas aux squelettes qu’il faudrait rebaptiser… Pour résoudre ce douloureux problème, les paléontologues ont fait appel à la Commission Internationale de Nomenclature Zoologique, l’ICZN (acronyme anglais), qui est un peu à la paléontologie et à la zoologie ce que l’ONU est à la géopolitique. La commission, dans sa grande sagesse, a suivi les recommandations faites par les chercheurs et a décidé que le néotype d’Archaeopteryx lithographica serait désormais le squelette de Londres, en lieu et place de la plume de Berlin (un néotype peut être désigné pour remplacer un holotype disparu, ou dans des cas particuliers comme ici sur décision de l’ICZN). C’est ballot pour le Humbolt Museum für Naturkunde qui perd ainsi le type d’Archaeopteryx au profit du Natural History Museum de Londres, c’est plus sage pour la stabilité de la nomenclature puisque ça évite d’avoir à rebaptiser le plus ancien oiseau.

La première plume d’Archaeopteryx et les eumélanosomes qu’elle contient (Nature).

Mais venons en comme promis à la couleur d’Archaeopteryx, enfin à celle de la plume de 1860 du moins, car c’est elle qui a été analysée. Premier point : cette plume était noire parce qu’elle contient des mélanosomes en forme de petites baguettes, des eumélanosomes, qui produisent une couleur noire chez les oiseaux actuels. Deuxième point : c’était une plume partiellement recouverte par d’autres dans l’aile d’Archaeopteryx. Cela n’indique donc pas forcément qu’Archaeopteryx ressemblait à un corbeau, puisque cette plume était largement recouverte par d’autres de couleur inconnue, en tout cas il n’avait rien d’une colombe. Quant au premier auteur de l’article de Nature paru en janvier, Ryan Carney, il doit être content de sa découverte puisqu’il s’est fait tatouer l’exacte reproduction de la plume noire sur le bras comme le rapporte le blogueur américain Carl Zimmer.

La plume découverte en 1860 était noire, mais rappelons que ce n’est peut-être pas, finalement, une plume d’Archaeopteryx, mais celle d’un autre oiseau, ou d’un autre dromaeosaure (on reviendra sur cette fascinante question ultérieurement : Archaeopteryx est-il vraiment un oiseau ?). En attendant l’examen des squelettes complets ornés de plumes de Berlin et de Londres, pour le moment, rien ne m’interdit de continuer à rêver d’Archaeopteryx comme l’oiseau bleu survolant la terre…

Ryan M. Carney, Jakob Vinther, Matthew D. Shawkey, Liliana D’Alba & Jörg Ackermann (2012). New evidence on the colour and nature of the isolated Archaeopteryx feather. Nature Communications 3, 637, doi:10.1038/ncomms1642.

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Publié dans : Oiseaux fossiles,Théropodes

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2 Réponses pour “L’archéoptéryx était en noir. Enfin, peut-être…”

  1. Michel Fontaine dit :

    Pas de soucis, bleu ou noir, j’ai les deux en stock. Et si il était bleu et noir ?