Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

Retour sur un sujet divertissant qui se transforme en une enquête paléontologico-policière internationale, semant la consternation chez certains vendeurs de fossiles. Nous vous l’avions signalé le 18 mai (c’est ici) : un squelette de Tarbosaurus était mis aux enchères à New York le 20 mai dernier. Or le Tarbosaurus est une spécialité mongole, comme la bêtise est de Cambrai, et la loi mongole interdit l’exportation de fossiles depuis 1924.

Malgré la requête d’un juge du Texas, saisi par les autorités mongoles, d’arrêter la vente, le fossile fut adjugé à un acquéreur anonyme pour 1 million de dollars, sous réserve de la suite des événements. A la demande de la justice américaine, un premier examen du squelette par quelques paléontologues spécialistes du désert de Gobi, parmi lesquels le canadien Phil Currie, a permis de confirmer sa provenance : l’ouest de la Mongolie. Currie déplore d’ailleurs le pillage intensif des gisements mongols : il pense qu’environ 60 squelettes, entiers ou partiels, de tarbosaures ont été extraits illégalement depuis 1995. La plupart sont saccagés sur le terrain pour prélever les mâchoires, les griffes ou les dents, lesquelles se vendent à prix d’or. Et on ne parle même pas des squelettes de Protoceratops, bien plus abondants, et qui se vendent comme des petits pains à travers le monde.

Les petites combines des trafiquants n’ont pas résisté longtemps aux enquêteurs américains, qui ont vite établi que l’objet avait été importé illégalement, les documents douaniers mentionnant la Grande-Bretagne comme pays d’origine (ce qui est aussi crédible qu’un cassoulet en provenance de Kaboul !). Quant au contenu des caisses il s’agissait officiellement de quelques os de reptiles, le tout pour une valeur de 15000 dollars… Voilà deux gros mensonges pour bien commencer.

Saisir un squelette de tarbosaure, c’est peut-être un fantasme d’huissier… C’est en tout cas ce qu’ont réalisé des agents fédéraux américains le 22 juin dernier à New York, suite logique de l’affaire. A moins qu’un propriétaire légal (qui l’aurait acquis, par exemple, avant 1924…) ne se déclare rapidement, il est clair que ce squelette a été exhumé clandestinement et soustrait aux autorités mongoles : désormais confisqué par l’administration fédérale américaine, il devrait être restitué à la République de Mongolie dans quelques mois.

Réjouissante affaire donc, qui rappelle opportunément que la plupart des pays ont des lois, soit sur le patrimoine paléontologique, soit plus prosaïquement sur la propriété privée (car c’est bien joli d’extraire un fossile d’un terrain, mais il arrive souvent que ledit terrain ait un propriétaire). Beaucoup des pièces paléontologiques spectaculaires proposées dans les ventes aux enchères ont une origine douteuse, pour rester poli. En dehors des squelettes provenant des Etats-Unis une bonne partie de ce qui circule est frauduleux… Malheureusement les gouvernements concernés laissent faire en général, alors que l’exemple mongol montre qu’un peu de fermeté en la matière paie, une doctrine que les Chinois appliquent depuis pas mal d’années pour rapatrier des fossiles au pays. Cela ne supprime pas le trafic mais le rend moins rentable, et puis ça évite cet indécent spectacle de squelettes illégalement acquis et vendus à grand renfort de publicité au vu et au su de tout le monde. Il serait intéressant que lors des prochaines ventes de vertébrés fossiles, les commissaires-priseurs se soucient réellement de la propriété des objets qu’ils vendent, sans se contenter de la « garantie » apportée par quelques margoulins, experts autoproclamés. En la matière, ce sont un peu les receleurs qui signent des certificats d’authenticité…

Observons enfin qu’il  y a un mois une partie de la presse s’émerveillait de ce dinosaure qui rapportait du pognon, tandis que le DinOblog s’inquiétait du devenir de ce fossile manifestement volé. Aujourd’hui la saisie du tarbosaure intéresse moins certaines rédactions puisqu’il n’y a plus de prix dessus. C’est pourtant un intéressant sujet d’investigation que de retracer le parcours compliqué d’un tarbosaure entre son Gobi natal et les salles de ventes occidentales, mais il est vrai que c’est plus compliqué que de se réjouir de ce qu’un squelette de dinosaure puisse dépasser le million de dollars… Ne sombrons pas pour autant dans l’angélisme : étant donné la situation économique de la Mongolie il n’est pas étonnant que des Mongols prêtent la main à ce type de fouilles clandestines pour quelques poignées de dollars. Hélas ce ne sont évidemment pas eux les principaux bénéficiaires, le commerce des fossiles étant rarement équitable.

Pour ce qui nous concerne, nous ne manquerons pas de sonner le tocsin (et de prévenir l’Ambassade de Mongolie, ou toute autre chancellerie concernée) lorsque des fossiles de provenance douteuse seront en vente sur la place de Paris… Pas sûr qu’il faille attendre très longtemps d’ailleurs !

 

Les documents juridiques et une photo du squelette peuvent être téléchargés ici

L’article de Phil Currie dans New Scientist c’est ici

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Publié dans : vente de fossiles

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2 Réponses pour “Le point sur l’affaire Tarbosaurus : le trafic de dinosaures sur la sellette.”

  1. Romain dit :

    Effectivement, si le marche US se retrouve bloquée suite a un accord juridique entre les deux pays comme le laisse entendre l’article, les enchères se déplaceront probablement vers l’Est.

  2. Des fossiles de Tarbosaurus bataar sont actuellement en vente sur des boutiques en ligne françaises, certes ce n’est pas un squelette complet, mais le message a du mal à passer on dirait…