Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

Guerre et dinosaures est un roman du prolifique auteur américain de science fiction et de fantasy Victor Milán, sorti en avril 2016 aux éditions Fleuve. Ce livre est annoncé comme le premier volume d’une trilogie, voire d’une double trilogie (une hexalogie, donc), et même plus si affinités. « Un croisement entre Jurassic Park et Le Trône de Fer » selon Georges R.R. Martin, l’auteur de cette dernière multilogie à succès.

Il s’agit plutôt d’une resucée un peu terne de Games of Throne saupoudrée de dinosaures qui côtoient des humains, leur servant notamment de montures dans d’interminables conflits entre principautés d’opérette. Le trône ici est denté, normal puisqu’il s’agit d’un crâne de tyrannosaure, et curieusement tout le monde aimerait bien s’asseoir dessus, ce qui doit quand même piquer un peu… De nombreuses espèces de dinosaures peuplent ce monde appelé Paradis par ses habitants et qui a des petits airs d’Europe médiévale même si, selon un érudit commentateur, il pourrait plutôt s’agir de la planète Vénus légèrement transformée (voir ici). Bref ! Peu nous importe, on est venu pour voir les dinosaures et on ne va pas être déçu : il y en a à toutes les pages et à toutes les sauces, car ils servent aussi de casse-croûte aux humains de la Nuevaropa. Un mot sur ces derniers tout de même : les héros sont un guerrier poète beau gosse et bisexuel, un autre guerrier légendaire qui a perdu son allosaure de guerre et la vie lors d’une bataille épique, mais qui ressuscite et repart faire le mercenaire avec un troisième soldat, ménestrel à ses heures, dont la monture est un gentil petit cératopsien, enfin une princesse bombasse qui étudie l’art de la guerre et file des amours compliquées avec le poète soldat en attendant de s’asseoir un jour sur le fameux trône denté pour le moment occupé par le fessier rebondi de son papa empereur.

Ca tue beaucoup, ça massacre allègrement, ça viole un peu, ça complote à mort mais ça ne rigole pas. Hélas, la Septième Compagnie n’est pas au rendez-vous… Voilà pour les hommes, mais nous on est venu pour voir les dinosaures, et ce qui est fort intéressant c’est que ce sont des dinosaures à la mode du XXIe siècle. On rappelle que les romans à dinosaures vont sur leurs 150 ans (voir ici l’évocation de l’un des premiers : L’étrange manuscrit trouvé dans un cylindre de cuivre) et que leurs lecteurs ont vu évoluer au fil du temps la description des dinosaures romanesques en parallèle avec les concepts paléontologiques : « dinosaures-lézards » des années 1830, « dinosaures-rhinocéros » vers 1850, « dinosaures-kangourous » au XXe siècle, puis les dinosaures comme-on-se-les-représente-aujourd’hui à partir du Jurassic Park de Michael Crichton en 1992. On se souvient peut-être encore de la déception des spectateurs dinophiles de Jurassic World devant l’absence de prise en compte des découvertes paléontologiques dans le dernier opus de Jurassic Park, notamment de ces pauvres raptors déplumés, qu’on dirait des poulets passés à la plumeuse (voir ici).

Et bien Milán, lui, a une documentation relativement à jour (une des espèces de ptérosaure évoquée a été décrite en 2005). Et si son roman se traîne souvent en longueur et s’ingénie à distiller des indices-que-vous-comprendrez-quand-vous-aurez-lu-le-tome-19, ses dinosaures, eux, sont à la page.

Comme le nom du livre le laissait supposer, nombre de ces dinosaures sont des engins de guerre, comme les Parasaurolophus qu’on appelle communément saquebutes à Paradis et les Corythosaurus (ou morions). Les habitants de Paradis disposent en effet d’un grand livre sur les dinosaures où figurent leurs noms latins, unique livre que leur ont légué les créateurs de ce monde. On subodore vu les espèces mentionnées et leur description qu’il s’agit d’un livre de vulgarisation des années 2005-2010. Voilà voilà… Imaginez vos descendants dans quelques siècles avec comme seule trace des civilisations passées l’Encyclopédie Fleurus des Dinosaures (qui vient d’ailleurs de faire peau neuve). Les chevaliers-dinosaures utilisent les cris de basse fréquence de leurs hadrosaures pour déstabiliser leurs adversaires. Le prince-poète-chevalier-amant-de-la-princesse monte ainsi, en sus de sa douce et d’un de ses collègues, un hadrosaure répondant au doux nom de Camelia.

Les « nez-cornus » abondent : il y a par exemple des Triceratops surmontés d’une tour en bois, bien utiles pour charger la cavalerie adverse. Petite Nell, la monture de Rob, le mercenaire-troubadour, est un einiosaure (Einiosaurus procurvicornis), un cératopsien du Campanien du Canada. Les ankylosaures sont aussi à l’aise sur le champ de bataille, qu’il s’agisse de pinacosaures ou des nodosaures bruns (Edmontonia), emblèmes de l’infanterie impériale.

Les plus affreuses de ces montures sont des grands théropodes : ainsi quelques tyrannosaures sont-ils utilisés pour les exécutions capitales, ce qui est plutôt écolo. Dans la gamme au-dessous on trouve des Deinonychus au plumage écarlate, bleu ou vert. Incontestablement Guerre et Dinosaure a une longueur d’avance sur Jurassic World dans ce domaine (les deux sont sortis en juin 2015 aux Etats-Unis). Notons que le Gallimimus (ou Grand Arpenteur) au plumage flamboyant est souvent monté par des nobles trop pauvres pour se payer des hadrosaures de guerre.

Il y a aussi quelques reptiles marins comme le Bocaterrible (un pliosaure) ou le Cuellolargo (un élasmosaure, il y en a un empaillé suspendu au-dessus de la salle des fêtes chez l’empereur). Bien sûr quand on ne s’est pas fait bouffer par un quelconque théropode, on mange du dinosaure, par exemple du Brincador (Psittacosaurus) qui a des plumes en forme de piquant, qualifié de nuisible commun des jardins et que l’on chasse avec une libellule géante. On mange aussi beaucoup  de gratteurs (Oviraptor) variant en plumage et en couleurs, élevés pour leurs œufs et leur viande. On croise même quelques diplodocus qui passent. Il y a du sang, il y a aussi beaucoup de merde : la bouse de dinosaure ne manque pas, et vous découvrirez qu’on peut même y cacher une princesse mais chut, je ne vous dis pas tout !

Alors on subodore que Monsieur Milán a dû faire un petit point sur ce qui marchait au milieu des années 2010. Games of Throne ? une tuerie ! Jurassic Park ? des dollars en pagaille. D’où une idée lumineuse, on va refaire le match en mettant des dinosaures dans une imitation du Trône de Fer, on publie ça aux US au moment de la sortie de Jurassic World et le pactole est assuré. Le problème c’est qu’on sent quand même que les 600 pages ont dû être écrites en un mois (le gars a déjà torché plus de 100 livres) et qu’on s’ennuie assez souvent dans ces intrigues de cour pas vraiment passionnantes, sans compter ce côté je-dévoile-peu-à-peu-les-secrets-de-mon-univers qui est légèrement irritant. Bref la bonne nouvelle c’est qu’on tient enfin un roman à dinosaures à plumes. La moins bonne c’est que le plaisir ne fut pas vraiment au rendez-vous de la lecture.

Victor Milán, 2016. Guerre et Dinosaures. Editions Fleuve, 640 p.

 

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Publié dans : Littérature fantastique,Nouveautés

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3 Réponses pour “Guerre et dinosaures : la Septième Compagnie à Jurassic Park”

  1. Petrovna dit :

    C’est déchirant. Cette histoire d’amour inavouable avec Camelia.
    Si j’ai bien tout suivi.
    On verra à la page 640.
    En tout cas, merci à l’auteur de cet article d’avoir subi ça pour notre plaisir.
    Je promets de faire plus court dans mon ouvrage où les dinosaurs auront des plumes (mais pas forcément les bons).

  2. [...] Guerre et dinosaures est un roman du prolifique auteur américain de science fiction et de fantasy Victor Milán, sorti en avril 2016 aux éditions Fleuve.  [...]

  3. Petrovna dit :

    En effet, et grâce à vous, je sais maintenant que ça a déjà été fait.
    Blast it!
    Trop tard. Il reste 20 pages à corriger.
    Petrovna (de son vrai prénom, quoique second)

  4. [...] Guerre et dinosaures est un roman du prolifique auteur américain de science fiction et de fantasy Victor Milán, sorti en avril 2016 aux éditions Fleuve. Ce livre est annoncé comme le premier volume d’une trilogie, voire d’une double trilogie (une hexalogie, donc), et même plus si affinités. « Un croisement entre Jurassic Park et Le Trône de Fer » selon Georges R.R. Martin, l’auteur de cette dernière multilogie à succès.  [...]