Le krill qui voulait devenir baleine
Le krill, un terme qui regroupe plusieurs espèces de petites crevettes vivant dans des bancs gigantesques, a le triste privilège de servir de nourriture à de nombreux animaux marins. Il constitue notamment le délice des plus imposants des êtres vivants, les baleines à fanons ou mysticètes. Mais il fut un temps où les choses se passaient différemment et où le krill, ou plutôt son lointain cousin, jouait à la baleine. Cette histoire digne d’une fable de La Fontaine nous est racontée par des fossiles découverts dans le gisement de la Formation Fezouata, au sud-est du Maroc. Les fossiles de ce site sont célèbres car, datant de l’Ordovicien inférieur, ils révèlent la persistance d’une faune plus ancienne typique du Cambrien. En fait, si l’on croyait la faune cambrienne disparue après le Cambrien, c’est qu’aucun gisement de l’Ordovicien ne permettait la préservation de ces animaux au corps mou et délicat. Fézouata vint combler ce manque. On y trouve par exemple des anomalocarides, des terreurs « géantes » (jusqu’à 2 mètres de longueur) découvertes d’abord dans les schistes cambriens du Burgess, au Canada, puis dans divers gisements à travers le monde. Et c’est justement un anomalocaride géant qui vient d’être décrit dans la revue Nature par des chercheurs de Yale et d’Oxford (Van Roy et al., 2015). Mais contrairement à ses ancêtres carnassiers, la « crevette » marocaine, nommée Aegirocassis benmoulae, préférait manger de toutes petites bêtes.