Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

Que les éléphants du PS se rassurent, Claude Allègre n’est pas près de nous reparler de mammouth, la confirmation est tombée le 6 mai dernier ! C’est bien de paléontologie dont il s’agit ici. Deux chercheurs du Muséum d’Histoire Naturelle de Londres rapportent la découverte en Crête du plus petit mammouth connu à ce jour. D’autres espèces naines avaient déjà été recensées en Sardaigne (Mammuthus lamarmorai), sur l’île Wrangel en Sibérie (M. primigenius) et dans les îles californiennes de Channel (M. exilis). Mais en comparaison, les adultes de cette nouvelle espèce crétoise font figure de nains, dépassant à peine 1,10 m au garrot et pesant environ 310 kg.

Ce mammouth correspond au cas le plus extrême de nanisme insulaire observé pour ce groupe. Pas nécessaire pour autant d’aller imaginer une version miniature de mammouth laineux, en effet les auteurs pensent que leur mammouth devait être adapté à un environnement relativement chaud, il devait donc avoir une apparence assez semblable à celle d’un éléphant moderne. Dans un communiqué AFP, Victoria Herridge, auteur de l’étude, dresse un portrait robot de l’animal: « si vous deviez le reconstituer, je vous dirais de le faire un peu comme un bébé éléphant, mais plus trapu, avec des membres plus épais, et à l’âge adulte il aurait des défenses recourbées […] l’image la plus proche serait celle d’un bébé éléphant d’Asie, mais avec des défense ». L’espèce, qui aurait colonisé la Crête voici près de 3,5 millions d’années, a été baptisée Mammuthus creticus et serait apparentée à l’espèce continentale M. meridionalis (même si un lien avec M. rumanus n’est pas à exclure).

Victoria Herridge compare une molaire du mammouth crétois (dans sa main) avec celle d’une forme continentale de mammouth laineux. © The Natural History Museum, London.

Les premiers restes ont été découverts voilà près d’un siècle, mais l’attribution spécifique avait depuis largement fait débat. Plusieurs dents avaient été collectées par la chasseuse de fossiles Dorothea Bate en 1904 et attribuées à l’espèce Palaeoloxodon creticus. A cette époque, il apparaissait plus raisonnable de penser que toutes les formes naines méditerranéennes dérivaient d’une seule et même espèce continentale, l’éléphant à défenses droites Palaeoloxodon antiquus. La nouvelle étude basée sur du matériel inédit retrouvé en 2011 aura permis de lever le mystère, une comparaison anatomique des sillons et crêtes dentaires des molaires ayant clairement rapproché ces restes à la famille des mammouths. Bien que primordiales pour dissiper les doutes concernant la généalogie de cette nouvelle espèce, les dents ne permettaient pas en revanche de reconstituer avec précision la taille du « mini-mastodonte ». L’estimation de taille a donc été proposée sur la base des proportions d’un humérus (un os du bras) découvert associé aux restes dentaires.

Quoi qu’il en soit, rien de moins surprenant que de retrouver des pachydermes sur une île, des formes endémiques d’éléphants ont en effet été découvertes un peu partout à travers le monde. Apparemment, les proboscidiens (le groupe des éléphants) furent d’excellents colonisateurs et il est possible de retrouver des traces de leur présence dans les îles les plus isolées de Sulawesi, Java, ou bien encore des Philippines. A ce propos, les îles méditerranéennes n’en étaient pas à leur coup d’essai, l’un des exemples les plus remarquables étant l’éléphant nain de Sicile, Palaeoloxodon falconeri, qui mesurait à peine 1 mètre au garrot. Il est d’ailleurs bien difficile de penser à un exemple d’île riche en fossiles qui n’ait pas livré de restes de proboscidiens. Les seules exceptions connues sont les îles Baléares, les îles Gargano, les îles Ryukyu et les Antilles. Dans toutes les îles où ils ont été retrouvés, les éléphants et leurs cousins développèrent une petite taille en comparaison de leurs ancêtres continentaux, atteignant à de rares occasions des proportions naines voire pygmées.

Reconstitution : LESHYK

Cette découverte nous permet en outre de revenir brièvement sur ces cas si particuliers d’évolution insulaire. Pourquoi tant de formes naines sur des îles ? En fait, le « nanisme insulaire » est un phénomène bien connu en biologie évolutive. Isolées sur une île, les espèces de grands mammifères, en particulier les proboscidiens, ont tendance à devenir de plus en plus petites au cours du temps. A l’inverse, les petits mammifères comme les rongeurs tendent à voir leur taille augmenter. L’absence de prédateur et des ressources plus restreintes peuvent en partie expliquer une telle évolution. Il semble donc que sur une île, mieux que partout ailleurs, ce soit bien la taille qui compte ! Cette découverte est surtout remarquable pour avoir montré que plusieurs cas de nanisme insulaire ont pu se produire dans différentes lignées d’éléphantidés simultanément et dans des îles relativement proches. Et puisqu’il faut toujours une morale à la fin d’une histoire, voici la mienne : aussi petite soit elle, une île offrira toujours assez de place pour plusieurs éléphants pour peu qu’ils revoient leur appétit à la baisse, une leçon à méditer au PS …

A. van der Geer , G. Lyras, J. de Vos & M. Dermitzakis. 2010. Elephants, Mammoths, stegodons and mastodons. In: Evolution of Island mammals: adaptation and extinction of placental mammals on islands. Blackwell Publishing.

V.L. Herridge & A.M. Lister. 2012. Extreme insular dwarfism Evolved in a mammoth. Proceedings of the Royal Society B.

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Publié dans : Evolution

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1 Réponses pour “Comment « dégraisser le mammouth » ? Une réponse évolutive …”

  1. Romain dit :

    La citation exacte Dc. hautier, et vous devriez la connaitre, est: « l’humérus, c’est l’os du bras »

    M’enfin, on vous pardonne de bonne graisse…