Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

 

Quatre ans à peine après l’inauguration du Musée des Dinosaures, le constat est criant : les vitrines sont remplies à bloc, les allées de l’exposition de plus en plus encombrées et dans le laboratoire il devient vraiment difficile de circuler au milieu des coques de plâtres et autres fossiles qui arrivent des fouilles. Plus aucun doute ne persiste, il faut pousser les murs, en un mot agrandir. S’ouvre alors un long parcours qui s’apparente bien à celui d’un combattant : l’élaboration d’un grand projet d’agrandissement du musée qui doit passer de 350 à 3500 m2. Et l’équipe du musée se retrouve à son corps défendant dans un véritable feuilleton riche en rebondissements : il faudra 10 ans pour ouvrir un nouveau Musée des Dinosaures !

Alors que les premières subventions promises disparaissent car le projet n’a pas été démarré à temps, retardant de plusieurs années le début des travaux, l’équipe du musée découvre et décrit de nouveaux dinosaures : Ampelosaurus atacis, Variraptor mechinorum, ou encore le gros oiseau Gargantuavis philoinos.

Comme pour oublier tous ces tracas, une nouvelle page de l’histoire du musée s’ouvre à l’été 2001. Cette treizième campagne de fouille sur le gisement de Bellevue s’achève par une découverte exceptionnelle, celle d’une partie du squelette d’un Ampelosaurus atacis. Elle deviendra vite la première découverte française d’un squelette complet de ce sauropode. En quelques coups de marteaux, les soucis liés à l’agrandissement du musée s’envolent pour laisser place à la plus grande aventure paléontologique du musée… A ce jour !

Vue du gisement de Bellevue (© Musée des Dinosaures)

Les premiers éléments du squelette ont été découverts au début du mois d’août 2001 par Eva Morvan, une étudiante rennaise. Après la mise au jour de deux vertèbres dorsales articulées avec leurs côtes, la fouille s’est poursuivie pendant tout le mois. A la fin de l’été, neuf vertèbres dorsales, de nombreuses côtes, le sacrum, les os du bassin et de la ceinture scapulaire, plusieurs vertèbres cervicales ainsi qu’un dentaire ont été dégagés. Les fouilles ont alors été interrompues et le squelette, baptisé du nom de sa découvreuse, fut protégé par une coque de plâtre jusqu’à l’été 2002 quand se déroula la plus longue campagne de fouille de l’histoire du musée. Pas moins de quatre mois de travaux furent en effet nécessaires pour qu’une grande partie d’Eva quitte Bellevue et il faudra quatre campagnes de fouille pour que tout son squelette rejoigne le labo.

Eva Morvan (© Musée des Dinosaures)

Place aux gros travaux… (© Musée des Dinosaures)

… et aux plus petits ! (© Musée des Dinosaures)

En quelques chiffres : plus de 70 % du squelette d’Eva ont été extraits du gisement. La plupart de ses ossements reposaient dans trois blocs dont le plus gros mesure 1,40 mètre sur 2,20 mètres, pour un poids d’environ 3 tonnes ; la réalisation de cette seule coque a nécessité 400 kilos de plâtre et 3,5 kilomètres de bande de toile de jute.

Le squelette est à l’abri (© Musée des Dinosaures)

Le squelette d’Eva appartient à l’espèce Ampelosaurus atacis (« le dinosaure du vignoble de l’Aude »). Vu la taille des os, il s’agit d’un spécimen juvénile. La jeune Eva devait mesurer entre 10 et 12 mètres de long. Son squelette était couché sur son flanc gauche. Son état de conservation remarquable nous apporte quelques informations sur les conditions de mort et de fossilisation de l’animal. Eva est probablement morte noyée, son cadavre ayant été relativement peu transporté avant d’être déposé dans ce méandre vieux de 72 millions d’années. Les autres dinosaures dont on découvre les ossements désarticulés à Bellevue sont soit des cadavres longtemps transportés par l’eau et largement démembrés dans le lit de la rivière, soit des squelettes gisant au bord du cours d’eau et emportés par une crue avant d’être redéposés et disloqués.

(© Musée des Dinosaures)

Arrivée au laboratoire (© Musée des Dinosaures)

Onze ans après l’extraction Ampelosaurus et des milliers d’heures de préparation, il manque toujours un élément important du squelette : les fameux ostéodermes. En effet, pas une seule de ces plaques osseuses n’a encore été découverte associée au squelette. Cette absence intrigue les scientifiques qui ont bien attribué à Ampelosaurus les ostéodermes découverts en grand nombre à Bellevue. La reconstitution de l’animal nous montre d’ailleurs qu’ils recouvraient une grande partie du dos et du cou. Cette absence serait-elle liée à une caractéristique anatomique propre aux jeunes individus (comme Eva) qui ne possédaient donc pas encore d’ostéodermes ? Il reste encore quelques plâtres au laboratoire, alors la réponse devra tomber un jour ou l’autre.

Il faudra du temps pour en arriver…

…là (© Musée des Dinosaures)

Eva est le premier squelette de titanosaure articulé découvert en Europe et le premier grand dinosaure raisonnablement complet jamais trouvé en France. Ampelosaurus est désormais l’un des titanosaures les mieux connus au monde. Pour trouver des gisements comparables en Europe, il faut aller du côté de la Belgique sur le célèbre gisement de Bernissart, célèbre pour ses 31 squelettes d’Iguanodon extraits de la roche il y a plus de 120 ans et exposés à l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Bruxelles.

Une exposition temporaire sur la découverte du squelette a été présentée dans le nouveau musée (© Musée des Dinosaures)

(© Musée des Dinosaures)

Cette découverte scientifique majeure a permis au Musée des Dinosaures d’assoir sa notoriété. Et les habitants de la région continuent de venir rendre visite à celle qu’il considère désormais comme leur dinosaure, la plus vieille habitante de la Haute Vallée de l’Aude.

Partie du crâne d’Ampelosaurus qui a permis à…

…l’artiste Michel Fontaine la réalisation de cette reconstitution (© Musée des Dinosaures)

 

Dessin de Michel Fontaine

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Publié dans : Musée des Dinosaures d'Espéraza

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1 Réponses pour “1992 – 2012 : Le Musée des Dinosaures d’Espéraza a fêté ses 20 ans (épisode 2)”

  1. Romain dit :

    Il existe un aspect de cette fouille qui n’est pas abordée dans cet article (peut être est-ce pour l’épisode 3?): Bellevue fut un chantier-école qui a vue passer bon nombre de paléontologue alors encore aux études (tiens ça me donne une idée ;) )