Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

Un bébé éléphant qui suit sa maman en la tenant par la queue avec sa petite trompe : trop mignon ! Si l’on en croit une équipe internationale de chercheurs cette scène n’est pas nouvelle, et cet émouvant spectacle durerait même depuis 7 millions d’années. Enfin, à quelques détails près : ce n’était pas un troupeau d’éléphants d’Afrique (Loxodonta africana), ni une horde de leurs cousins d’Asie (Elephas maximus), mais probablement d’aimables Stegotetrabelodon syrticus dont les empreintes de pas fossilisées ont été découvertes à Mleisa aux Emirats Arabes Unis.

Ce charmant proboscidien est caractérisé par la possession de 4 défenses (2 en haut et 2 en bas) comme on pourra le remarquer sur la belle reconstitution de l’artiste Mauricio Antón. Le paléontologue Faysal Bibi et ses collègues ont trouvé les traces d’un troupeau de 13 individus de tailles variées et celles d’un individu isolé, un peu plus grand, croisant les autres pistes. Ils en déduisent que, comme les éléphants actuels, les Stegotetrabelodon vivaient en hordes matriarcales, les vieux mâles étant solitaires, et aussi que la différence de taille entre mâles et femelles était moins prononcée que chez les éléphants actuels. Dans le groupe de treize, le plus grand animal pesait environ 5 tonnes et le plus petit, quelques centaines de kilos seulement.

Les pistes de Mleisa

Ces travaux montrent une nouvelle fois l’intérêt des empreintes de pas fossiles, longtemps négligées par les paléontologues. L’étude de ces traces constitue notamment l’une des meilleures approches du comportement des espèces disparues : elles offrent une fenêtre irremplaçable sur quelques secondes, voire quelques minutes de la vie d’un animal mort il y a des millions d’années. En général ce n’est pas passionnant : des animaux qui marchent, qui courent plus rarement, en ligne droite la plupart du temps. C’est aussi que, pour des raisons d’affleurement, les surfaces à empreintes sont en général limitées à quelques dizaines de mètres carrés, les pistes des différents individus pouvant être suivies sur quelques mètres seulement (la seule « piste » de tyrannosaure connue comprend ainsi… une seule empreinte !). Ceci dit, même ces affleurements limités livrent des informations intéressantes. Ainsi l’absence de traces de queue dans les sites à empreintes de pas de dinosaures a permis de démontrer que ces animaux se déplaçaient en maintenant leur queue bien au-dessus du sol, rendant obsolètes les reconstitutions antérieures. Concernant des proboscidiens, dont on connaît des représentants actuels, l’intérêt est d’éclairer le comportement social de ces animaux, ce qui est extrêmement délicat, voire impossible à partir des ossements seulement.

Reconstitution de Stegotetrabelodon syrticus (copyright Mauricio Antón)

L’intérêt du site émirati, c’est d’abord la très grande surface de l’affleurement (les pistes mesurent entre 190 et 246 mètres de long, ce qui est exceptionnel) et c’est ensuite bien sûr ce qu’elles révèlent du comportement social des Stegotetrabelodon. Ils se déplaçaient en groupe puisque l’on a treize pistes parallèles avançant dans la même direction, vers le nord. La quatorzième piste (celle du plus gros individu) est orientée vers le nord-ouest et recoupe les précédentes. Pouvons-nous être certains que ce dernier animal était un mâle solitaire ? Ne pouvait-il pas s’agir plutôt d’un membre du groupe flânant à droite à gauche ? On atteint ici les limites de ce genre d’étude, basée sur un seul affleurement et il est impossible de trancher entre les deux hypothèses. La seule certitude est que le gros animal est passé le premier, puisque ses empreintes semblent être recouvertes par celles de la horde. Mais est-il passé 10 minutes ou 6 mois plus tôt ? Impossible à dire. La confirmation de la séduisante hypothèse avancée par nos auteurs ne peut venir que de la découverte de nouvelles empreintes, de nouveaux sites qui confirmeraient cette dualité entre hordes et solitaires…

Références

Faysal Bibi, Brian Kraatz, Nathan Craig, Mark Beech, Mathieu Schuster & Andrew Hill, 2012. Early evidence for complex social structure in Proboscidea from a late Miocene trackway site in the United Arab Emirates. Biology Letters, 8, 670-673.

A noter l’existence d’un site internet (ici) où les auteurs ont mis en ligne un grand nombre de photos et même une magnifique cartographie (ici) du site.

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Publié dans : Mammifères fossiles,Paléoichnologie

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