Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

Hernie discale chez les dinosaures

Le 29 mars 2016 par Jean Le Loeuff

On sait que les dinosaures souffraient de maladies osseuses variées : infections, fractures, spondylarthrose, maladie de Paget, goutte, spondylose déformante, etc. Une équipe germano-américaine vient d’ajouter une nouvelle pathologie à cette longue liste : les sauropodes souffraient d’hernie discale, les malheureux.

C’est le squelette partiel d’un sauropode jurassique du Niger qui a permis ce diagnostic. Il a été extrait par une expédition du Musée de Brunswick, entre 2005 et 2008, dans la région d’Agadez. La queue de l’animal présente sept vertèbres pathologiques : les dix-septième et dix-huitième vertèbres sont soudées l’une à l’autre, un phénomène déjà observé chez d’autres sauropodes (voir ce billet). La nouveauté concerne lesvertèbres 7 à 11 qui présentent des lésions curieuses sur leurs articulations antérieures et postérieures. Ce sont des perforations de la surface articulaire qui s’étendent et s’élargissent à l’intérieur du corps vertébral.Les marges de ces perforations sont par ailleurs arrondies et lisses, et elles ne sont pas survenues post-mortem mais se produisirent du vivant du malheureux animal.

La queue du sauropode nigérien : les vertèbres pathologiques sont numérotées

Ici quelques précisions sur l’articulation intervertébrale sont probablement nécessaires. Contrairement aux mammifères, les oiseaux ne possèdent pas de disques intervertébraux, la jonction entre deux vertèbres successives se faisant pas l’intermédiaire d’une articulation synoviale (comme dans nos genoux). Pour les dinosaures la question reste ouverte. Mais dans les deux cas, notent les auteurs, l’os (en l’occurrence les articulations des vertèbres) est recouvert d’une couche de cartilage, les deux types d’articulation sont entourés de tissu fibreux, et la partie interne est visqueuse, qu’il s’agisse du gel du nucleus pulposus des disques intervertébraux ou du liquide synovial visqueux des articulations synoviales.

Quel que soit le type d’articulation le processus est le même pour la formation d’une hernie : le gel contenu dans l’articulation perce le cartilage et se répand dans l’os spongieux, causant ainsi une perforation du corps de la vertèbre appelée hernie intradiscale ou nodule de Schmorl dans les vertèbres réunies par un disque intervertébral, kyste sous-chondral dans les articulations synoviales. Nodule de Schmorl ou kyste sous-chondral, c’est donc du pareil au même mais ça, notre sauropode du Niger, il ne le savait pas. L’eût-il su que ça lui aurait fait une belle jambe vous dites-vous. Moi aussi.

Schémas d’une articulation discovertébrale affectée par une hernie (A) d’une articulation discovertébrale (B) normale et d’une articulation synoviale normale (C).

La cause de ces hernies pourrait se situer un peu plus loin dans la queue. Les 17e et 18e vertèbres sont en effet soudées l’une à l’autre et entourées de grosses excroissances osseuses (et même, curieusement, de ce qui semble être un os chevron surnuméraire). Cette ankylose de la queue, probablement due à une infection, pourrait avoir eu des répercussions biomécaniques conduisant au développant des hernies dans sa partie antérieure. Plus précisément des mouvements non naturels de la queue, pour limiter la douleur, auraient renforcé la pression sur sa partie antérieure. La pression entre les vertèbres, au niveau des joints articulaires, aurait été trop forte, facilitant la rupture du cartilage articulaire et de l’os sous-chondral et le passage du fluide synovial dans le corps de la vertèbre.

Faces articulaires antérieures de 4 vertèbres caudales affectées de hernies (flèches).

 

Scanners montrant le creusement à l’intérieur des corps vertébraux.

Bref la qualité de vie de notre sauropode nigérien ne devait pas être folichonne, à tenir sa queue dans des positions bizarres qui le faisaient peut-être bien regarder de travers par ses congénères ; si cela peut vous rassurer, les auteurs de la note remarquent que ce type de lésion semble avoir été rarissime chez les grosses bêtes du Mésozoïque, seul un plésiosaure du Jurassique inférieur d’Angleterre en présentant de semblables. Il me reste à espérer que ceux de mes lecteurs qui pourraient souffrir d’hernies discales se consoleront un peu en sachant que celles des sauropodes et les désagréments qui les accompagnaient étaient d’une toute autre ampleur…

Référence :

Florian Witzmann, Oliver Hampe, Bruce M. Rothschild, Ulrich Joger, Ralf Kosma, Daniela Schwarz & Patrick Asbach (2016): Subchondral cysts at synovial vertebral joints as analogies of Schmorl’s nodes in a sauropod dinosaur from Niger, Journal of Vertebrate Paleontology, DOI: 10.1080/02724634.2016.1080719

 

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Publié dans : Afrique,Sauropodes

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