Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

Le Hartenberger nouveau est arrivé : chroniques mammaliennes

Le 28 septembre 2016 par Christel Souillat

Il nous l’avait annoncé lors des dernières rencontres du Dinoblog début juillet. C’est chose faite. Le dernier livre de Jean-Louis Hartenberger est désormais dans toutes les bonnes librairies et autres supermarchés de la culture. Il s’agit d’un choix de 37 chroniques dont la plupart a paru sur la plateforme scilogs du magazine Pour la science alors que d’autres viennent d’ici, du Dinoblog, comme Depuis quand les cachalots ont le melon ? qui donne son titre à l’ouvrage.

Chroniques, anecdotes, faits divers, Jean-Louis nous livre une partie de sa collection de surprises mammaliennes piochées dans la vie actuelle (surtout) ou passée de ses sujets préférés. La paléontologie n’est jamais loin, partout en embuscade prête à apporter ses indispensables éclairages quand elle n’est pas au centre du sujet avec l’évolution en ligne de mire. On ne s’est jamais senti autant mammifère qu’à la lecture de ce livre, primate parmi d’autres, cherchant chez la bête ce qui pourrait expliquer l’homme. Et ça donne quelques comparaisons savoureuses notamment entre Gengis Khan et Frodo le chimpanzé tous deux prêts à toutes les barbaries pour se reproduire, tout deux cherchant à « s’assurer la descendance la plus nombreuse possible ».

Un grand nombre des mammifères épinglés dans ce livre ne figure pas au panthéon du public ; pas de panda, pas de dauphin, mais plutôt des chevrotains porte-musc, des anthracothères et ce petit ptilocerque à l’incroyable appétence pour l’alcool. Cette petite musaraigne raffole en effet des bourgeons floraux du Bertam, un palmier. Il faut dire que leur nectar titre ses 3,8% d’alcool. Il en consomme tant que les spécialistes ont déclaré son alcoolisme chronique. Pourtant, le ptilocerque ne montre jamais aucun signe d’ébriété, toujours digne. Selon des études phylogénétiques, l’animal est un proche parent des Primates. Leur «lignée s’est détachée du tronc commun des Mammifères en même temps que celle des Primates» il y a 55 millions d’années. Un de nos plus vieux tontons était donc porté sur la bibine et notre amour du bon vin ferait partie de notre patrimoine phylogénétique… L’auteur nous livre d’autres exemples, de l’élan au gorille, dont l’ alcoolisation relève soit d’accident de parcours (oups, le fruit était trop mûr ! ) soit d’un choix délibéré de se délecter des vapeurs d’éthanol libérées par le pourrissement des fruits. Et nous méditerons la thèse du biologiste Robert Dudley pour qui l’alcoolisme chez les humains serait « la conséquence logique de l’histoire évolutive profonde de notre lignée ». C’est pas de ma faute docteur !

S’il en est une qui peine à redorer sa réputation, c’est bien elle, la hyène. Peut-être que la chronique qui lui est consacrée y participera, ou pas. Il s’agit ici de la ressemblance entre les attributs sexuels des mâles et des femelles chez les hyènes tachetées. Une combine pour soumettre tous les mâles à leurs femelles dominantes : c’est à s’y méprendre. « Il semble que si les femelles souhaitent prendre le pouvoir dans un groupe de mammifères, il est nécessaire qu’elles se masculinisent ». A bon entendeur non merci !

En haut, pénis d’une hyène mâle adulte (à gauche) et clitoris masculinisé d’une femelle (à droite). En bas, deux jeunes hyènes des deux sexes montrent leurs organes génitaux. Dessins Janine Sarfati

Si le subterfuge de la hyène ne vous séduit pas, question d’esthétisme peut-être, allons regarder du côté des orques. Si on connaît bien les mécanismes de la ménopause chez Homo sapiens, ils restent encore mystérieux chez le reste des mammifères. A part peut être chez les orques où l’on constate que les femelles ménopausées deviennent de vraies guides de chasse, ceux que l’on suit, que l’on écoute, dont on apprécie l’action de dépistage du saumon. Pour l’anthropologue George Christopher Willians ça devient « l’hypothèse grand-mère » où les femmes, passée la cinquantaine en moyenne, se sentiraient plus libres d’assister leurs filles «dans l’élevage de leurs nichées ». Quel programme !

Amoureux des mammifères marins, Jean-Louis Hartenberger, leur a offert un grand nombre de chapitres, à ces baleines notamment qui « possèdent mille fois plus de cellules que nous, vivent plus de deux fois plus longtemps que nous, et ne connaissent pas le cancer », de quoi susciter l’admiration. A ce demander même si les baleines ne meurent pas en pleine forme !

Jean-Louis se range donc sans hésiter aux côtés de ce peuple mammifère, jamais au-dessus ; et il se livre lui aussi, un peu, sur sa vie de chercheur et ses rencontres. Vous y reconnaîtrez, fidèles lecteurs, son humour parfois pince-sans-rire et son goût affiché pour la littérature qui pointe dès l’incipit. Il est réjouissant de se dire que nous aurons bientôt, ici même, la primeur d’une de ses prochaines chroniques mammaliennes et qu’après ce séjour par internet, elle finira dans notre bibliothèque.

Editions Belin, Collection Science à plumes, 222 pages, 19 €

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Publié dans : Analyse de livre,Biodiversité,Evolution,Mammifères fossiles,Nouveautés

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4 Réponses pour “Le Hartenberger nouveau est arrivé : chroniques mammaliennes”

  1. Blaise dit :

    M. Hartenberger participera t-ill à des événements organisés à l’occasion de la sortie en librairie de son livre?
    Dans tous les cas y a-t-il une adresse mail professionnelle à laquelle il peut être joint?
    Merci.

  2. Hartenberger Jean-Louis dit :

    Pour le moment rien de prévu à l’horizon de la semaine. Mais il est vrai que voyager loin pour une interview aussi sympathique que soit l’interlocurice ou interlocuteur, je n’ai pas l’esprit migrateur. Je suis un terrestre sédentaire.

  3. Grégoire Testaz dit :

    Ah oui, puisqu’on en est aux recensements d’oeuvres paléonto-vertebro-livresques, je signale la parution de:
    ESCHER, A, MARCHANT, R, Atlas des vertébrés de leurs origines à nos jours. Ed. LEP Loisirs et Pédagogie, Le Mont, 2016. http://www.editionslep.ch
    Je le recommande à tous; je n’ai aucun % sur les ventes; je soutiens les collègues du Musée cantonal de Géologie de Lausanne.

  4. [...] Il nous l’avait annoncé lors des dernières rencontres du Dinoblog début juillet. C’est chose faite. Le dernier livre de Jean-Louis Hartenberger est désormais dans toutes les bonnes librairies et autres supermarchés de la culture. Il s’agit d’un choix de 37 chroniques dont la plupart a paru sur la plateforme scilogs du magazinePour la science alors que d’autres viennent d’ici, du Dinoblog, comme Depuis quand les cachalots ont le melon ? qui donne son titre à l’ouvrage.  [...]