Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

La publication des dernières découvertes laotiennes (voir le post sur le spinosaure Ichthyovenator du 24 avril 2012) nous offre l’occasion de revenir sur le parcours de Josué-Heilmann Hoffet dont les travaux ont marqué l’histoire géologique et paléontologique de l’ancienne Indochine.

 J.-H. Hoffet est né à Courcelles-Chaussy en Moselle en 1901 où son père était pasteur mais c’est à Porrentruy (aujourd’hui célèbre pour ses pistes de sauropodes) dans le Jura suisse qu’il se passionne pour les sciences naturelles. Son diplôme d’études supérieures de sciences naturelles en poche, il s’embarque pour l’Indochine en 1927 pour y préparer un doctorat de géologie. Il est affecté au Service Géologique de Hanoi où il étudiera les formations continentales du Bas-Laos, région située à l’est de Savannakhet. Cet homme de terrain va parcourir toute la région, parfois à dos d’éléphant. Ses travaux aboutissent à la publication en 1933, d’une thèse de doctorat intitulée : Etude géologique sur le centre de l’Indochine entre Tourane et le Mékong (Annan central et Bas-Laos). Il dressera par la suite une carte géologique du Bas-Laos.

Au milieu des années 30, Hoffet découvre près de Ban Tang Vay (village situé à une centaine de kilomètres à l’est de Savannakhet) les tout premiers ossements de dinosaures laotiens ainsi que des restes de tortues et de crocodiles. Lors de prospections pétrolières près de la petite ville de Muong Phalane, il récolte quelques fossiles dont une vertèbre caudale de « saurien ». Pourtant, en 1942 il écrit : « Nombreuses furent les courses infructueuses que je fis dans la forêt claire sous le soleil ardent du Bas-Laos pour ne trouver qu’une pierre quelconque qui avait une vague ressemblance avec un os… ». Aidé par la population locale il finira par rassembler près de 100 kilos d’ossements fossiles. Plus tard, il mettra au jour un fémur de sauropode dont le mauvais état de conservation ne l’empêchera pas de créer une nouvelle espèce. Il profite alors d’un séjour en France pour en savoir plus sur toutes ses découvertes. C’est pour lui l’occasion de rencontrer les plus grands spécialistes de l’époque dont le paléontologue allemand Hennig qui participa à la découverte du célèbre Brachiosaurus sur le gisement du Tendaguru en Tanzanie.

De retour en Indochine où il devient professeur de géologie à l’école supérieure des sciences d’Hanoi, Hoffet commence à rédiger les résultats de ses travaux sur les dinosaures du Laos et publie en 1942 la description de quelques ossements de titanosauridés du Sénonien du Bas-Laos. Il crée dans le même temps deux nouvelles espèces : le titanosaure de Muong Phalane, Titanosaurus falloti (qui honore Paul Fallot, son maître à l’Université de Nancy) et l’hadrosaure Mandschurosaurus laoensis.

En 1940, alors que les Japonais occupent le Laos, Hoffet est mobilisé et rejoint les services de renseignements à Hué au Vietnam. Il devient professeur à l’université de Hanoï un an plus tard. Mais en 1945, il rentre dans la résistance anti-japonaise. Il mourra la même année lors d’un affrontement avec les forces japonaises au col de Nuy Tha. Le 2 avril 1945, il est déclaré « mort pour la France ». Depuis 1992, une plaque commémorative est apposée à l’endroit même où il fut probablement tué par un coup de machette portée par un Japonais lors de l’affrontement de Nuy Tha.

                                               

 

 

 

 

 

 

45 ans plus tard, c’est le paléontologue Philippe Taquet, alors directeur du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, qui reprend les travaux de Josué Hoffet. Il s’envole pour Vientiane et Savannakhet durant l’hiver 1990 avec une idée en tête : retrouver le gisement de Ban Tang Vay. Arrivé sur le terrain, Philippe Taquet bénéficie de l’aide précieuse d’un habitant du village qui a très bien connu Hoffet qu’il accompagna à de nombreuses reprises lors de ses prospections. Après plusieurs missions, l’équipe du Muséum découvre plusieurs gisements fossilifères aux alentours de Ban Tang Vay avec à la clé de très nombreux ossements d’un sauropode ayant vécu dans la région au Crétacé inférieur. Un petit laboratoire de fortune fut d’abord improvisé dans le jardin du musée de la révolution à Savannakhet. Puis viendra une exposition temporaire installée au rez-de-chaussée de ce musée, devenu depuis le Musée des Dinosaures. Tous ces travaux sur les dinosaures du Laos donnent naissance à une nouvelle espèce de sauropode du Crétacé inférieur appelée Tangvayosaurus hoffeti, un nom qui fait écho à l’histoire de sa découverte.

Tangvayosaurus hoffeti (photo Dinosauria)

Depuis plus de 20 ans les différentes campagnes de fouilles franco-laotiennes ont permis de récolter les restes de nombreux autres dinosaures tels un psittacosaure, un iguanodonte et des dinosaures théropodes connu par quelques ossements incomplets. Ces découvertes montrent une grande ressemblance entre les dinosaures du Laos et ceux de Chine confirmant ainsi les liens entre la péninsule indochinoise et le reste de l’Asie durant le Crétacé.

Aujourd’hui c’est Ronan Allain paléontologue au Muséum National d’Histoire Naturelle qui a repris le flambeau au Laos avec à la clé sa dernière découverte : Ichthyovenator. Et pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur sa dernière mission au Laos, Ronan vous propose de jeter un œil du côté des petits Carnets Paleo sur Facebook. Et nous le remercions pour les photos.

Musée des dinosaures de Savannakhet (photo Dinosauria)

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Publié dans : Histoire de la paléontologie

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3 Réponses pour “Aux origines d’Ichthyovenator : Josué-Heilmann Hoffet, l’inventeur des dinosaures du Laos”

  1. Ronan ALLAIN dit :

    Bonjour à tous
    Hoffet est un sujet de discussion permanent quand nous sommes au Laos et chaque année nous arrivons à collecter de nouvelles informations. Cette année, en arrivant à Savannakhet, j’ai eu la surprise de découvrir dans les collections deux morceaux de fémur de sauropode que je ne n’avais pas vu auparavant. Philippe Richir, le vétéran de nos missions, ne se souvenait pas non plus d’avoir récolté ces pièces. Nos collègues laos nous ont rapidement éclairé et nous ont expliqué qu’en suivant les indications de certains villageois, ils avaient retrouvé ces fémurs qui auraient été découverts par Hoffet mais « balancés » ensuite dans un rizière près de Tang Vay car trop lourds à porter (franchement je ne leur en veux pas).
    Beaucoup des informations que nous avons pu récupérer à Tang Vay concernant Hoffet nous viennent de Monsieur Kommapa qui fut un des ouvriers laos à travailler avec lui sur le terrain et qui devait être agé à l’époque d’une vingtaine d’années (Philippe Taquet en touche un moit dans son livre). Nous nous réjouissions cette année de revoir une nouvelle fois Monsieur Kommapa sur le terrain, mais nous avons malheureusement appris son décès survenu pendant l’hiver. Un petit bout de mémoire s’en est allé mais il nous reste encore quelques dinosaures laos à décrire et l’un d’entre eux rendra très certainement hommage à Kommapa.

  2. Mazan dit :

    Le journal Face Book  » Petit carnet paléo » :
    https://www.facebook.com/pages/Petit-carnet-paléo/139523996121214
    Direct dans les petits dossiers regroupant les visuels et infos:
    https://www.facebook.com/pages/Petit-carnet-paléo/139523996121214?sk=photos
    Direct dans le dossier « DinOsavan’  » que je vais « nourrir » cet été… Chronique de la campagne de fouilles laotienne 2012 avec en guest star Ichthyovenator laosensis.
    https://www.facebook.com/media/set/?set=a.250751264998486.59636.139523996121214&type=3

  3. Mazan dit :

    Et sur You tube:
    http://www.youtube.com/watch?v=1D-yRZDZh34
    Ou taper « dinosavan » comme mot clé pour en voir plus sur la mission (je glisserai de nouvelles mini-vidéo cet été ! Patience.)

    A bientôt pour de nouvelles aventures !