Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

La tête et les jambes… Des premiers arthropodes !

Le 7 mars 2013 par Lionel Hautier

Des pattes, des pattes, oui mais des pattes habiles ! Des fossiles récemment découverts dans la province chinoise du Yunnan nous éclairent sur l’origine des appendices buccaux des Euarthropodes (insectes, araignées, crustacés etc).

Les nouveaux fossiles appartiennent à la famille des Fuxianhuiidae dont les représentants batifolaient dans les mers cambriennes il y a environ 520 millions d’années, soit 50 millions d’années avant que les premiers animaux ne rampent sur la terre ferme. Dans un article publié dans Nature la semaine dernière, des chercheurs chinois et anglais ont décrit deux nouvelles espèces de fuxianhuiidés : Chengjiangocaris kunmingensis et Fuxianhuia xiaoshibaensis, en référence aux villes de Kunming et Xiaoshiba près desquelles ont été retrouvés les fossiles. Ces petites bêtes (ces animaux ne faisant que quelques centimètres) semblent littéralement grouiller dans les nouveaux sites du Yunnan. Plus de 50 fossiles de fuxianhuiidés ont été trouvés en une année alors que seulement quelques spécimens avaient été découverts ces dernières années dans des sites jusqu’alors considérés comme extrêmement riches. Pendant longtemps, la nature et le rôle des appendices situés en dessous de la tête des fuxianhuiidés avaient fait débat, les biologistes utilisant intensément ce type d’appendices pour classer les différents groupes d’arthropodes.

Un des spécimens du Lagerstätte de Xiaoshiba – Copyright © 2013, Rights Managed by Nature Publishing Group.

Comme les arthropodes modernes, les fuxianhuiidés possédaient un exosquelette, une carapace très dure formée de chitine qui protégeait leurs tissus mous. Et si avoir la tête dure représente certainement un avantage évolutif (les bretons seront ravis de l’apprendre), ce détail anatomique peut aussi se révéler « en-chitinant » lorsqu’il s’agit de s’intéresser à l’évolution des structures internes. Pourtant, et probablement à force de « tergite-versations », les paléoentomologistes ont pu percer les secrets enfouis au plus profond de la cuticule de ces premiers arthropodes. Comment ? Voyons, c’est pourtant simple, mais par dissection bien sûr ! Mais une dissection d’un genre nouveau … En effet, si les nouveaux spécimens ont été retrouvés en quantité, ils n’en brillaient pas moins par la qualité de leur préservation. Certains individus représentent ce que les auteurs de l’étude ont appelé des « dissections taphonomiques ». Pas besoin dans ce cas d’utiliser le moindre scalpel ou microburin, la nature a déjà fait le travail ! Sur certains individus, le bouclier céphalique semble avoir été délicatement retourné après la mort de l’animal et préservé en l’état. Ce type de préservation exceptionnelle aura permis de révéler une foule d’informations inaccessibles autrement et donc de proposer une nouvelle interprétation des énigmatiques appendices sous-céphaliques.

Mode d’emploi d’une « dissection taphonomique » – Copyright © 2013, Rights Managed by Nature Publishing Group.

Les chercheurs pensent que ces appendices leur permettaient de transporter du sédiment jusqu’à leur bouche pour en filtrer toutes les substances organiques, il s’agit donc de la plus ancienne preuve d’une utilisation de pattes pour se nourrir ! Les jeunes fuxianhuiidés avaient sans doute pour interdiction de se laver les pattes avant de manger … Cette étude lève ainsi le voile sur une période cruciale de l’évolution des arthropodes. Comme les pattes des arthropodes, les belles découvertes vont toujours de pair, enfin presque toujours. L’étude montre également que Chengjiangocaris et Fuxianhuia possédaient un système nerveux – un simple nerf – qui s’étendait en arrière de la tête, ce qui en ferait le plus ancien exemple de système nerveux post-céphalique !

Première reconstruction faciale de fuxianhuiidé – Copyright © 2013, Rights Managed by Nature Publishing Group.

Cet instantané de la vie marine cambrienne constitue désormais un point de référence pour reconstruire l’histoire évolutive et les relations de parentés du groupe d’animaux le plus abondant de la planète. Chengjiangocaris et Fuxianhuia vivaient au moment de la fameuse explosion cambrienne, période qui a vu l’apparition soudaine de la plupart des grands groupes d’animaux pluricellulaires (les embranchements) mais dont les causes demeurent toujours obscures ; une augmentation de la concentration en oxygène et un pic de concentration en nutriments océaniques ont parfois été invoqués sans pour autant pouvoir être vérifiés. Nul doute que les nouveaux sites du Yunnan fourniront très prochainement de nouvelles informations cruciales sur cette période clé de l’histoire de la vie sur Terre.

Référence :

Yang J, Ortega-Hernandez J, Butterfield NJ, Zhang X. 2013. Specialized appendages in fuxianhuiids and the head organization of early euarthropods. Nature 494 : 468–471.

 

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Publié dans : Asie,Invertébrés

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2 Réponses pour “La tête et les jambes… Des premiers arthropodes !”

  1. Bravo pour « tergite-versations », il fallait oser !

  2. Romain dit :

    Jouons au gros con et « tergite-versons »: si il n’y a qu’un organe ce ne peut être un système.
    Et donc « si ce n’est cela, c’n'est donc qu’un nerf ».

  3. [...] Des pattes, des pattes, oui mais des pattes habiles ! Des fossiles récemment découverts dans la province chinoise du Yunnan nous éclairent sur l’origine des appendices buccaux des Euarthropodes (insectes, araignées, crustacés etc).  [...]

  4. [...] Des pattes, des pattes, oui mais des pattes habiles ! Des fossiles récemment découverts dans la province chinoise du Yunnan nous éclairent sur l’origine des appendices buccaux des Euarthropodes (insectes, araignées, crustacés etc).  [...]