Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

Petit billet en réponse à une remarque fort judicieuse d’un lecteur du DinOblog (ici, la remarque) : pourquoi utiliser mésozoïque plutôt que secondaire, quand on cause de l’ère géologique qui vit s’épanouir nos animaux favoris ? Je me suis fendu d’une réponse un peu courte invoquant l’archaïsme du second terme (secondaire) et laissant donc supposer une relative modernité du premier (mésozoïque). En somme autrefois on parlait du Secondaire mais aujourd’hui on parle du Mésozoïque, et pis c’est tout. Un peu court, j’en conviens, et notre lecteur dégaine judicieusement Le Voyageur du Mésozoïque, une aventure de Spirou et Fantasio pondue par Franquin en… 1960. Si vous ne l’avez pas encore lue, sachez qu’il y est question de l’éclosion, à Champignac-en-Cambrousse, d’un œuf de Plateosaurus découvert en Antarctique par le Comte Pacôme Hégésippe Adélard Lanislas de Champignac, et des aventures qui découlèrent de cette éclosion.

Mais foin de ces détails vous avez bien noté que le Mésozoïque apparaît en 1960 dans le titre d’une bande dessinée, ce qui n’a rien de si surprenant puisque le terme a été forgé en 1840 par le géologue britannique John Phillips (1800-1874). Hum, d’accord, mais le Secondaire alors ? Et bien c’est Giovanni Arduino (1714-1795), savant italien, qui l’invente en 1760 mais avec un sens bien différent du sens actuel. Dans les décennies suivantes les couches « secondaires » correspondent grosso modo aux strates situées entre le socle plissé et les dépôts alluviaux, regroupant donc la fin du Paléozoïque, la totalité du Mésozoïque et l’essentiel du Cénozoïque. Au fil du temps et des congrès géologiques internationaux la définition évoluera pour finalement coller avec celle du Mésozoïque. La principale différence entre les deux définitions au départ c’est que Phillips intègre les données de la paléontologie pour définir ses subdivisions des temps géologiques : c’est une première synthèse biostratigraphique.

Résumé par John Philips en 1841 de sa classification des temps géologiques

Les deux appellations cohabitent donc depuis environ 174 ans, du moins en langue française ; les anglo-saxons ont depuis bien longtemps abandonné «secondary» pour «mesozoic». En France le Mésozoïque ne s’est jamais véritablement imposé, cohabitant dans l’ombre de l’ère secondaire. Officiellement, les commissions internationales de stratigraphie utilisent le terme mésozoïque, sans proscrire pour autant le mot secondaire (contrairement au Tertiaire dont l’utilisation est prohibée, ce qui ne nous empêchera pas de parler encore longtemps de la limité Crétacé-Tertiaire plutôt que de la limite Crétacé-Paléogène, non mais !). Et précisons que l’usage recommande d’écrire ère secondaire ou ère mésozoïque en minuscules, alors que le Mésozoïque ou le Secondaire ont une majuscule, usage que nous avons essayé de suivre dans ce billet…

Bref faut-il donc brûler le Secondaire ? Mordiou ! Surtout pas ! C’est un peu comme le fossile vivant, pour une fois qu’on a un terme géologique qui parle au grand public, gardons le ! Mais le terme officiel, reconnu par les commissions internationales de stratigraphie depuis des lustres c’est bel et bien le Mésozoïque de John Phillips, dont je défends l’euphonie au motif que « Mésozoïque est tout de même plus joli que Secondaire, avec ce petit zozo qui détend avant le hoquet final » (ben oui, je m’auto cite, et alors ?).

 

 

Un lien utile vers la dernière édition française de la charte stratigraphique internationale

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Publié dans : Histoire de la paléontologie,Nouveautés

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8 Réponses pour “Le pyromane du Mésozoïque : faut-il brûler l’ère secondaire ?”

  1. legonin dit :

    Merci de m’avoir enfin répondu ; je commençais à désespérer !
    (Pour dire vrai, je soupçonnais que vous ayez abandonné la recherche de fossiles pour celle, plus lucrative, du trésor des Templiers…)
    Donc, si je résume, les anglo-saxons disent « Mesozoïc » et les français devraient dire « secondaire ». C’est comme le HIV et le SIDA ou comme l’anthrax et le charbon…
    Toute plaisanterie mise à part, je parlerai désormais de Mésozoïque, en sachant pourquoi.
    Et je vous souhaite une très bonne année.

    • C’est que cela nécessita un peu de bibliographie, notamment la lecture des deux gros volumes d’histoire de la géologie de Martin Rudwick (dont l’acquisition, comme vous l’aviez deviné, fut heureusement compensée par la découverte du trésor des templiers)…

  2. JF dit :

    Le tableau de Phillips a une « new red formation » à la base du Mesozoïque : est-ce que ce sont les « nouveaux grès rouges », qu’on rattache maintenant au Permien si je ne m’abuse ? Et que sont ces « magnesian limestones » au dessus du Carbonifère : est-ce que c’est ce qui est ensuite devenu Muschelkalk, et je ne sais quoi encore dans les terminologies plus récentes ? Dans ce cas cette red formation serait le plutôt le Bundsandstein ?

    • Le New Red Sandstone c’est le Permo-Trias anglais (lithologiquement différent du Trias allemand) ; les magnesian limestones sont permiens ; j’avais omis la référence du livre de Phillips, la voici : Figures and Descriptions of the Palaeozoic Fossils of Cornwall, Devon and West Somerset. Il est consultable sur Google Books. C’est une synthèse essentiellement britannique qui date de 1841, et qui est donc encore largement imparfaite, mais c’est le moment où la géologie devient une science…

      • JF dit :

        Arf, décidemment, je ne connais rien à l’Avalonia/Laurasia/etc… Dès qu’on quitte le Gondwana (ou ses héritiers) je ne suis plus bon à rien… :-)

  3. [...] Petit billet en réponse à une remarque fort judicieuse d’un lecteur du DinOblog (ici, la remarque) : pourquoi utiliser mésozoïque plutôt que secondaire, quand on cause de l’ère géologique qui vit s’épanouir nos animaux favoris ?  [...]

  4. legonin dit :

    Qui est-ce qui parle d’ »ère secondaire » ? hein ? qui? :
    http://www.youtube.com/watch?v=GXU6WcSoBFg
    ;-) )

  5. Giner Stephen dit :

    Bonjour,
    je viens de relire cette aventure. Extraordinaire, un oeuf de Platéosaure de la fin du Jurassique et daté de 50 millions d’années trouvé en Antarctique. J’adore…
    Sans compter l’humour génial et l’air totalement abruti du bestiau. Excellent !!
    L’époque malheureusement révolue de la Grande Bande dessinée…