Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

Toumaï aïe aïe aïe : triste histoire d’un fémur indigne

Le 13 février 2018 par Jean-Louis Hartenberger

Depuis quinze ou vingt ans en çà, au travers du désert tchadien, le géographe Alain Beauvilain et ses guides trébuchèrent : un tas d’os à leurs pieds les avait entravés. Abattus mais l’esprit et l’œil pointus, la fine équipe d’explorateurs immortalisa l’obstacle par de nombreuses photos et notes : un talus sableux encombré d’os noircis par le temps. Ici un crâne simiesque, là une cuisse tout autant, de ci de là des os, mâchoires et dents éparpillés et dans l’instant innommables. Le tout fut recueilli avec grand soin, archivé, étiqueté, emballé au mieux et emporté (température ambiante lors de la récolte : 55°C).

Sitôt revenus sur leurs bases, les explorateurs signalèrent la découverte qu’ils savaient d’importance eu égard le lieu, l’âge présumé, la nature, l’abondance, la qualité des fossiles et leur état de conservation. Leur correspondant d’alors, un grand quotidien, accepta ce bon augure et le diffusa. Les uns et les autres étaient dans leurs rôles, ceux qui cherchent et trouvent, ceux qui diffusent au plus grand nombre les découvertes du moment. Et le monde entier fut informé en juillet 2001 qu’au cœur de l’Afrique avait vécu un petit primate plein d’ambition, peut-être notre ancêtre, le plus ancien jamais découvert. Un an plus tard on lui avait trouvé un petit nom : Toumaï, et il avait pris place dans la littérature scientifique (1).

Entre les deux unes de ce grand quotidien, on était passé du Franc à l’Euro. Mais pas seulement. Car si la nouvelle courut vite et déclencha enthousiasme et commentaires, il y eut une exception : le Professeur Michel Brunet de l’université de Poitiers, commanditaire du projet qui s’émut de ne pas avoir été le premier informé. Comment, il avait payé cher, ou du moins trouvé crédit pour les explorations, et était rendu à l’ordinaire ? Il fit savoir son courroux. Dans les semaines et mois qui suivirent le preux géographe et son équipe furent tancés, accusés de lèse science anthropologique, mis sur la touche et déclarés incompétents (2). L’histoire montrera qu’ils n’étaient peut-être pas les seuls à souffrir de ce mal.

Restait le tas d’os qui, dit le Professeur Michel Brunet, lui revenait de droit. N’était-il pas le « chef » de l’expédition ? Et il s’attacha à récupérer, transférer en lieu sûr les fossiles dans un coffre-fort de son université, pour les étudier à loisir, le tout pour le plus grand bien de la science anthropologique.

De cet assemblage d’os d’apparence hétéroclite, il réserva, comme on aime à dire en cuisine, une pièce unique, la plus remarquable à ses yeux, un crâne (1). Il devait même lui adjoindre une petite dent pour qu’il fit meilleure figure…Mais ceci est une autre histoire contée par ailleurs, et même quelque peu daubée (3). Il n’empêche que l’on peut se demander quel crédit avait cette dent d’appoint dans la mâchoire du crâne de Toumaï et qui gisait proche de lui, que n’avait pas la cuisse pourtant tout aussi proche, et omise d’emblée des inventaires du site (4).

Ainsi une dent entra dans l’histoire alors que la dite cuisse fut passée sous silence, oubliée à peine découverte, effacée de la mémoire poitevine. Et aujourd’hui, deux images de la découverte d’Alain Beauvilain et de ses compagnonsnous restent, celle qu’Alain Beauvilain a fixé et diffusé, une autre que préfère Michel Brunet telle que je la propose ici, où est effacé le fémur indigne, je l’avoue par mes soins.

Le site de découverte de Toumaï (photo A. Beauvillain 2001)

Le même site tel qu’imaginé par Michel Brunet. J’avoue avoir effacé du premier cliché le fémur indigne.

A propos de la première image, celle des découvreurs, son auteur, Alain Beauvilain n’a jamais insinué à ma connaissance que lui et ses trois collègues avaient déplacé la quarantaine d’ossements visibles sur le cliché pour une mise en scène. Pour autant il a suggéré à de nombreuses reprises que cette accumulation d’os n’était pas fortuite, que les hasards de la sédimentologie et de la météorologie n’avaient pas été les seuls à l’ordonner. Autrement dit, des nécrophages, peut-être même des humains, en l’occurrence les Touaregs de la région, ont pu participer à sa construction : les ossements fossiles repérés depuis longtemps dans ce désert auraient été collectés, accumulés, rassemblés, concentrés dans ce lieu pour être au final redécouverts fortuitement par lui-même et son équipe en 2001. Sur le site « Tchad , berceau de l’humanité » sont rapportées les conditions de la découverte, et on y commente longuement quels fossiles furent récoltés et comment. Dans la foulée, est ébauchée une étude taphonomique du gisement paléontologique (étude des processus de formation de ce gisement) où fut découvert Toumaï sans pour autant apporter de réponses définitives : http://tchadberceauhumanite.monsite-orange.fr/page-59fc517050903.html

Il y est précisé que le fémur indigne fut répertorié dans les collections et importé en France à l’université de Poitiers sous le numéro d’inventaire et la qualification : TM 266-01-063 Indet. os long. A la question des conditions de formation du gisement qui a livré Toumaï, Michel Brunet et ses collègues ont-ils un jour essayé d’apporter une réponse ? Autrement dit ont-ils envisagé une étude taphonomique du gisement, sur les conditions de sa formation.

Vraies ou fausses, ce qui peut être considéré comme un tissu d’assertions de la part d’Alain Beauvilain n’a jamais été depuis considéré, pesé, testé, publié, hors comme il est rapporté plus avant le sujet de mémoire proposé à Aude Bergeret à Poitiers au début de 2004 par Michel Brunet. Les fossiles récoltés en 2001 sont depuis cette date tous enfermés dans les tiroirs du Professeur Brunet et extraits pour étude à sa discrétion. C’est ainsi qu’il n’existe pas à ma connaissance une reconstruction du site tel qu’il fut découvert en 2001, un moulage des éléments qui le composent qui permettrait de perpétuer la vision qu’en eurent à sa découverte Alain Beauvilain et ses compagnons, et d’apporter foi ou à l’inverse critiquer ou réfuter la vision qu’en a proposée en de nombreuses occasions l’explorateur et, pourquoi pas, être proposée au public dans un musée. Depuis 2001, le gestionnaire de cette découverte se l’étant appropriée, il donne à voir à qui lui plaît le contenu de tiroirs des collections récoltés et archivés lors des expéditions du Tchad.

D’évidence, pour la poursuite des recherches, l’éviction d’Alain Beauvilain fut plus qu’une erreur, une faute originelle : en l’éliminant et le mettant définitivement sur la touche, Michel Brunet et son équipe se sont privés d’abord de son expérience du terrain, surtout de son témoignage et de ses conseils pour effectuer la reconstruction du site au moment de sa découverte. Avant toute étude des fossiles, et même recherche d’autres sites, cette première étape était nécessaire.

Par ailleurs, il y a là un délit de confiscation d’un bien culturel commun. Si Toumaï a été mis au jour, ce n’est pas le fait du hasard : des crédits publics ont soutenu les explorations des chercheurs qui l’ont découvert. Le tas d’os au fil du temps est devenu et doit être qualifié « bien commun de l’humanité », et mérite les mêmes égards que l’on réserve à d’autres biens culturels, Versailles, le Pont du Gard, la tapisserie de Bayeux, ou tiens, pourquoi ne pas citer ce fossile emblématique : Lucy, découverte par Donald Johanson et ses collègues en 1974. Depuis lors, l’image du drap de velours rouge où repose les restes de ce fossile célèbre entre tous nommé Lucy a fait le tour du monde. Et tout ce que l’on sait à son propos, photos, moulages, mensurations, analyses physiques et chimiques des restes, toutest accessible à l’analyse, aux critiques et suggestions de la communauté des scientifiques. Régulièrement des mises au point, des compléments d’enquête paraissent, et n’ont pas besoin de l’onction de D. Johanson et de nul autre coauteur de la découverte pour être publiés. C’est loin d’être le cas pour les fossiles du Tchad, ces doyens de l’humanité ou prétendus tels. Car quelques années après son signalement en 2001, toute la collection échoua dans le laboratoire de Michel Brunet de l’université de Poitiers et depuis y est confisquée.

En 2004, sur les ordres de Michel Brunet, fut confié à une étudiante, Aude Bergeret, un sujet de recherche original : comment s’était formé le tas d’os repéré en 2001 par Alain Beauvillain et ses complices, découvreurs certes, mais reconnus depuis incompétents. Dans quelles conditions cette jeune étudiante redécouvrit les ossements fossiles proches du dit crâne de Toumaï et jusqu’alors ignorés reste un mystère. Toujours est-il que, peu renseignée sur la nature des objets qu’elle avait à étudier ni des méthodes qu’il fallait qu’elle mette en œuvre, elle envisagea semble-t-il de réaliser des analyses géochimiques sur ce matériel. Pourquoi dès lors ne point broyer pour en extraire la substantifique moelle ce gros os qui ne comptait guère d’après ce qu’elle en savait ?

La chance voulut que la préposée au massacre croisa un anthropologue récemment nommé à l’université de Poitiers, le Professeur Roberto Macchiarelli, justement recruté pour soutenir de son expérience d’anatomiste primatologue les équipes du Tchad. Elle l’interrogea sur la nature de l’os qu’on ne lui avait pas appris à identifier, et qu’elle envisageait de réduire en bouillis. On ne sait quels sentiments ce spécialiste éprouva sur le moment, mais son diagnostic tomba : l’os était un fémur, celui d’un primate de taille et de morphologie compatibles avec le dit crâne dénommé Toumaï et déclaré bipède sur la seule foi de son crâne par Michel Brunet et ses coauteurs (1). Et nonobstant, au premier regard, l’anthropologue ajouta un démenti au diagnostic émis précédemment : le fémur avait appartenu à un primate arboricole. On était je le rappelle en février 2004.

Et c’est au cours de l’été de cette même année que le fémur disparut des tiroirs de l’université poitevine. A son retour d’une mission au Tchad, l’étudiante qui souhaitait parachever son mémoire par des observations complémentaires sur son matériel d’étude ne le retrouva pas. Elle interrogea en vain Michel Brunet sur son sort. Le sien fut rapidement réglé : son mémoire rédigé sans avoir pu revoir les fossiles recueillis en 2001, elle n’obtint pas la bourse de thèse qu’elle espérait et dut interrompre ses études à Poitiers (5).

Et c’est ainsi qu’à Poitiers un déni de fémur a pris corps.Singeant Sirius, après tout c’est de Primates qu’il s’agit, ce qui m’étonne le plus est que dès l’origine, tous les signataires de la publication qui proclame Toumaï ancêtre de l’humanité et dont certains sont des primatologues avertis, tous ont ignoré, effacé de leurs comptes rendus le fémur en question, et ont fait comme s’il n’existait pas ! Et pendant très longtemps : de 2001 à janvier 2018.

Il fallut dans un premier temps attendre 2004 et la curiosité d’une étudiante pour que l’image qu’avait transmise Alain Beauvilain recouvre son intégralité… Mais le temps d’un sein nu comme on dit dans les comédies. Car sitôt vu, sitôt parti ! Et à la fin de l’été 2004, Aude Bergeret ne put pas remettre la main sur le coupable. Comment dès lors ne pas soupçonner quelque tartufferie…car d’évidence on est chez Molière dans le Poitou, et il semblerait même que, comme chez le célèbre auteur, les valets y sont plus rusés que les maîtres.

Ce n’est qu’en 2018 que la comédie, « le fémur indigne » trouva un ressort, une suite que l’on peut intituler « le fémur indigne 2 »  grâce au Professeur Roberto Macchiarelli qui a souhaité faire entendre à nouveau sa voix. En 2004, après quelques réunions poitevines houleuses, ne pouvant le déposer et le congédier comme l’avait été Alain Beauvillain, il avait « choisi » de rejoindre une autre équipe de la même université, le groupe « Géosciences ». Quelques mois plus tard, il fut honoré par l’Académie des Sciences de Paris, mais bien sûr pour d’autres mérites.

Il n’empêche que couvait sous la cendre un brandon près à s’enflammer. Mais s’était instauré à Poitiers un silence assourdissant concernant les aptitudes ambulatoires de Toumaï : les fémurs sont peu bavards il est vrai. Il semble cependant qu’ici et là, sur les bancs de plusieurs universités de France, de Navarre et d’ailleurs, on ait instillé le doute sur les capacités ambulatoires du fossile du Tchad.

Le coup de tonnerre a résonné plus de 10 ans après l’impromptu estival dont Aude Bergeret fut l’héroïne, à l’occasion d’une réunion scientifique rituelle, réservée aux anthropologues français. En 2016 il fut suggéré qu’il serait opportun que l’université poitevine accueille la 1843èmeréunion de la Société Française d’Anthropologie prévue les 23 et 24 janvier 2018. Et c’est alors que le Professeur Roberto Macchiarelli proposa à son programme une présentation et un débat dont le fémur indigne serait le centre. Pourquoi en effet ne pas profiter de la présence critique de ce groupe de savants tous spécialistes d’anthropologie pour analyser de visu le dit os et confronter les points de vue. Il essuya un refus catégorique des organisateurs : ces jours là à Poitiers, lors des sessions de rencontre avec la crème de l’anthropologie française, il y avait mieux à faire que de débattre d’un fémur vieux de 7 millions d’années.

Que dit Michel Brunet sur cet incident et la suite qu’il lui accorda ? D’abord, à ces dates il avait mieux à faire qu’assister à ces réunions. Et il ignore tout des raisons qui incitèrent les organisateurs à refuser au Professeur Macchiarelli cette tribune. Ces derniers soulignent que le Professeur Macchiarelli ne fut pas le seul à en être débouté : si 65 communications furent acceptées, 5 autres furent rejetées avec celle ayant pour objet le fémur indigne. Pour ce qui est de la présentation publique dont le fémur indigne aurait du être le centre, d’évidence la présence de cette pièce à conviction s’imposait afin de nourrir le débat. Est-il possible que le prêt du spécimen  « TM 266-01-063 indet. os long » ait été refusé pour cette occasion unique de le voir étudier de près par des spécialistes ?

Pour sa part, assailli de questions, Michel Brunet a clamé son innocence, et dans un premier temps fait une promesse : « je vous promets que l’os va ressortir du tiroir où je garde le fémur en question. Il sera étudié sous ma houlette, et les résultats proclamés ». Rappelons au passage que ce professeur a statut ordinaire de retraité de l’Education Nationale. De fait, il ne peut plus exercer la moindre autorité au sein de l’université de Poitiers, pas plus sur les personnels que sur les collections dont cette institution a la garde et qui lui sont prêtées pour étude par l’Etat du Tchad.

Pourtant récemment dans une émission de radio ( https://www.youtube.com/watch?v=Z8-bWP76CnE) Michel Brunet prévient : «  J’ai décrit un crâne de primate bipède comme l’indique la forme et l’orientation de son assise vertébrale. S’il advenait que le fémur trouvé à ses côtés appartienne à un primate arboricole, cela signifierait que deux espèces l’une bipède l’autre arboricole coexistaient dans ce lieu. Et puis il faut bien dire que eu égard la campagne de presse concernant le dit fémur, ce spécimen est maintenant dévalué : il y a peu de chance qu’une revue scientifique reconnue accepte d’accueillir dans ses colonnes un compte rendu à son sujet ».

Il semblerait donc que l’avenir scientifique et médiatique du fémur indigne se trouve quelque peu assombri, et qu’il soit destiné à regagner au plus vite l’anonymat des tiroirs poitevins. Pour ma part, lors de cette émission de France Inter de Mathieu Vidard « la Tête au Carré » le 2 février dernier à 14 heures, j’ai trouvé Michel Brunet quelque peu pathétique, en particulier lorsqu’il prétend être victime d’une polémique partisane. Ses propos sont marqués du sceau du mépris pour tous ceux qui hors de son contrôle cherchent à comprendre la nature profonde des fossiles du Tchad et à les faire parler. Michel Brunet quant à lui a manifestement horreur de la discussion et de la confrontation des idées. Au point qu’interrogé sur l’opportunité de publier dans un délai rapproché une étude sur le dit fémur, il biaise : à ses yeux, le fémur indigne est maintenant un fossile dévalué, qui ne mérite pas qu’on lui consacre une étude fouillée, car dit-il « Aucune revue sérieuse ne l’acceptera dans ses colonnes ! » Et en conclusion de l’interview, Michel Brunet se considère « victime d’une cabale ». A l’écouter et renseignements pris, on n’en est pas là, loin s’en faut. Le Professeur Michel Brunet n’est qu’un diablotin qui mérite qu’on lui fasse les gros yeux, parce que surpris les doigts dans le pot de confiture. Surtout, il s’agit maintenant de le dessaisir de la gestion scientifique des fossiles collectés depuis 2001 sur les sites du Tchad. Il a confisqué au regard, aux analyses et critiques de scientifiques largement plus compétents que lui  (de formation il est spécialiste d’herbivores du Paléogène) tout un matériel d’études qui aurait mérité mieux que sa seule attention. Si j’osais dans la formule, fémur aidant, je dirais qu’il est temps de mettre fin à son droit de cuissage !

Références :

1) M. Brunet et al. 2002. A new hominid fram the Upper Miocene of Chad, Central Africa, Nature, 418 (6894) : 145-151

2) A. Beauvillain. 2003. Toumaï. L’aventure humaine. La Table Ronde. En son temps j’en fis une recension pour Pour La Science. Mon sentiment, et celui de bien de mes collègues était alors que c’était suivant l’expression consacrée un livre à charge. J’ai pour ma part depuis reconsidéré ce sommaire verdict.

3) A. Beauvilain and Y. Le Guellec 2004. Further details concerning fossils attributed to Sahelanthropus tchadensis (Toumaï). S. Afr. J. Sci. 100, 142–145

4) M. Brunet et al. 2004. Toumaï, Miocène supérieur du Tchad, le nouveau doyen du rameau humain. C. R. Palévol, 3 (4) Académie des Sciences Paris : 275-283.

5) L’enquête de Nicolas Constans (le Monde du 31 janvier 2018 et le blog afférent) apporte des précisions sur les démêlés de Aude Bergeret avec les universitaires responsables de ses études, et ses déconvenues.

 

 

 

 

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Publié dans : Afrique,Fouilles paléontologiques,Histoire de la paléontologie,Nouveautés,Primate

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6 Réponses pour “Toumaï aïe aïe aïe : triste histoire d’un fémur indigne”

  1. Papalima dit :

    Bonjour,
    J’ai un peu connu Alain Beauvillain et disons que j’ai juste croisé Michel Brunet (par hasard tous les deux au Cameroun, mais à une douzaine d’années d’écart) et cet article m’a fait extrêmement plaisir. Par sa forme comme par son fond.
    Cela étant, qu’en pensent les autorités tchadiennes ? Cette affaire ne peut pas les laisser indifférentes…
    PL

  2. Romain Pigeaud dit :

    bonjour,

    je suis assez déçu par votre post, qui se départit de son ton habituel, plaisant mais sérieux. Ici, vous donnez l’impression d’un règlement de comptes, du même tonneau que celui qui accompagne Lucy depuis plusieurs décennies. J’ai moi aussi lu le livre de Beauvillain et l’ai chroniqué pour Archeologia. A cette occasion, je m’enorgueillis d’avoir, pour la seule et unique fois peut-être, fait publier le mot « merde » dans cette auguste revue. J’y ai en effet reproduit la fameuse phrase d’Edouard Herriot : la politique, c’est comme l’andouillette : il faut que ça sente la merde, mais pas trop ». Ainsi en est-il de la paléoanthropologie… Ce livre est à charge et manque de rigueur selon moi. Je respecte l’homme blessé, mais je n’accorde pas foi à ses assertions, qui me semblent relever de la jalousie pure.

    Je rappelle simplement cette vérité première : l’inventeur d’un site ou d’un artefact est le responsable de la mission, celui qui s’est tapé tout le suivi administratif et l’organisation, la collecte du matériel, le recrutement des membres de l’équipe, etc. A ce titre, Michel Brunet EST l’inventeur de Toumaï. Il est tout à fait normal que ce soir lui qui ait étudié le fossile, ou en tout dirigé son étude, puisque comme vous le soulignez, il n’est pas spécialiste des hominidés fossiles au départ, bien qu’il ai étudié Abel et auparavant feu le Ramapithèque.

    Dans l’article princeps, est d’ailleurs cité le nom de la personne qui a découvert le fossile, un étudiant tchadien (ce n’est pas Beauvillain). Par ailleurs, dans les autres articles scientifiques qui furent publiés par la suite, il me semble avoir bien lu une analyse pédologique et environnementale expliquant les conditions de conservation des fossiles ainsi que la découverte. Je pense que vous pourriez y retourner et préciser vos propos à ce sujet.

    Concernant le fémur, à ce que je crois comprendre, il est extrêmement fragmentaire et il manque les deux extrémités. Je ne vois donc pas ce qu’il pourrait apporter à la discussion, d’autant que son rapport avec Toumaï n’est pas prouvé. Il est effectivement dévalorisé scientifiquement, mais ne l’était-il pas dès le départ ?

    Il est un peu rapide selon moi de jeter aux chiens la réputation de Michel Brunet. Le milieu des paléo-anthropologues est suffisamment cruel (pensons à la polémique ridicule sur la position de la dent de Toumaï. J’ai assisté à une communication de Brunet à l’Institut, devant Coppens, Senut, Pickford et White, etc., où il a affirmé, avec raison selon moi, que cette histoire n’avait pour seul et unique objectif que de jeter l’opprobre sur des candidats au CNRS issus de son labo et favoriser en retour ceux de l’autre équipe qui avait lancé la rumeur ; pensons également à la nuit en prison que Pickford a passée au Kenya suite à une plainte des Leaky) pour ne pas en rajouter ici.

    Amicalement

    • Faya dit :

      «Le fossile ne fait pas le savant»

      En février 2004 le Professeur Jean-Louis Hartenberger publiait dans Pour la Science une recension du livre d’Alain Beauvilain ‘Toumaï, l’aventure humaine’, un texte prémonitoire se terminant par «Le fossile ne fait pas le savant. Quant à connaître Toumaï, il nous faudra attendre.». Cette phrase s’adressait alors à l’auteur du livre. Il reconnaît aujourd’hui qu’il s’était trompé de destinataire.
      Par ailleurs, le texte était en décalage complet avec la réalité des faits tout comme le commentaire qui précède.
      Alain Beauvilain a été qualifié en 2002 dans un courrier au Figaro de ‘préposé’ et plus généralement de ‘logisticien’, bref un préposé à la logistique. Ceux qui ont participé aux missions dans le désert tchadien se souviennent bien qu’arrivés dans la nuit à N’Djaména par le vol d’Air France ils prenaient la route du désert dès le petit-déjeuner copieux servi à la MAM (Mission d’Assistance Militaire) et se retrouvaient le premier soir à des centaines de kilomètres aux approches du vrai désert, toutes les autorisations de recherche et de circuler ayant été obtenues depuis longtemps. Le deuxième soir, ils dormaient dans des tentes montées à proximité des sites fossilifères par un détachement militaire de l’Opération Epervier en grande manœuvre dans le désert. Au besoin ils arrivaient suffisamment tôt pour aider au déchargement du 6X6 Mercedes de 20 tonnes que Beauvilain et ses collaborateurs tchadiens avaient rempli la semaine précédant.
      Le seul risque pris était celui du retour la veille du vol d’Air France. Il fallait que tout soit en ordre et en temps. Aucun souci côté véhicules, les deux Toyota Landcruiser et les deux Toyota pick-up étaient neuves. Le seul problème était le risque d’accident ou de vent de sable. Certains se souviennent aussi que dans la tempête de sable, GPS en panne, le géographe Beauvilain conduisit le convoi à la boussole ayant en mémoire la topographie dunaire, source principale d’accidents dans le désert.
      Par ce texte, le Professeur Jean-Louis Hartenberger montre une fois de plus qu’il est un Sage de la Science.
      Cordialement.

    • Faya dit :

      La communication à l’Institut s’est tenu l’après-midi du lundi 13 septembre 2004, une journée bien grise, à l’occasion du colloque international intitulé ‘Climats, cultures et sociétés aux temps préhistoriques de l’apparition des Hominidés jusqu’au Néolithique’. Michel Brunet a présenté ‘Origine des Hominidés… Toumaï (Tchad), le patriarche de l’Humanité’, Brigitte Senut ‘De la bipédie au climat’ et Tim White ‘Hominidés archaïques, bipédie et changement climatique’. J’y étais également mais pas Martin Pickford alors en mission sur le terrain. Dans son livre ‘The first Humain. The Race to Discover our Earliest Ancestors’ aux édition Doubleday, Ann Gibbons fait un compte-rendu fort détaillé de la séance (pp. 225-230). Échappant à son sujet, Michel Brunet consacre une large part de son intervention à l’affaire de ‘la dent collée’, dans laquelle il apparaît que des photographies ont été présentées à l’envers par un effet miroir à moins que … ce soit le commentaire qui n’était pas à l’endroit. Mettant la polémique à l’écart, l’auditoire a surtout retenu que sur un fossile aussi précieux un collage a été fait en toute discrétion et au mépris de toute règle.

      Notons aussi que, plus dans les thèmes de Brigitte Senut et Tim White, une place tout aussi grande a été consacrée au fémur d’Orrorin dans un contexte tout autant polémique portant sur ce qui peut apparaître comme des détails, le fémur étant décrit dans les publications de ses ‘inventeurs-découvreurs’, Brigitte Senut et Martin Pickford.
      Nous sommes bien en SEPTEMBRE 2004, le ‘fémur indigne’ est déjà identifié comme tel à Poitiers mais il reste toujours dissimulé dans un tiroir poitevin proche de la ‘dent indigne’ collée sur une hémimandibule devenue par ce fait elle aussi ‘indigne’. C’était pourtant la plus belle occasion de faire ‘renaître’ ce fémur sur le plan scientifique lui évitant cette indignité qu’il vient d’acquérir.

  3. Baillat Annie dit :

    S’il vous plaît, ne dévalorisez pas le Dinoblog !
    Votre article entre dans la polémique sans plus de recul que tout ce qu’on entend dans les médias avides de bagarres. Je n’ai aucune opinion sur ce fémur mais je connais très bien les milieux de la recherche, le besoin de publier vite pour obtenir des crédits, les mesquineries, les vols d’idées, le système qui comptabilise les publications et incite à préférer être le premier pour être cité par tous les autres, y compris par soi même dans un article démentant certains passages!

    Cette histoire est pleine de contradictions et je n’ai aucun moyen de prendre partie, mais par votre virulence et les répétitions inutiles, vous me donnez simplement envie d’accorder à Michel Brunet le bénéfice du doute,ce qui ne devait pas, je pense, être votre but.
    Dommage
    Continuez à faire de la science, je me régale toujours avec le Dinoblog

  4. Michel Brudiard dit :

    Très bon article sur le taulier de Poitiers et le rififi autour du fémour. Merci Monsieur Hartenberger.
    J’aurais juste parlé de ‘chef de file’ au lieu de ‘chef’ [ligne 2 du quatrième paragraphe], mais c’est un détail… ;)
    MB