Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

Qu’entends-je ? On aurait tenté d’arrêter des paresseux « en marche » ? En ces temps de contestation, il ne peut s’agir que d’un coup des communicants de notre cher président. Eh déconne pas Manu, ça sert à rien la haine ! Autant pour moi, apparemment je faisais fausse piste, il ne serait question en réalité que d’empreintes fossiles… Les paresseux de notre histoire sont eux bien réels, ou du moins l’étaient, et leurs traces ont pavé la route d’agitateurs d’un genre nouveau dans un monde en pleine mutation.

Une des nombreuses pistes découvertes dans le White Sands National Monument. Copyright Matthew Bennett.

Les causes des extinctions tardives de la mégafaune américaine ont été largement débattues, certaines explications invoquant de ravageuses maladies, d’autres y préférant le rôle prépondérant du changement climatique. L’arrivée de l’homme, venu d’Asie entre -25000 et -15000 ans, a également souvent été mise en relation avec ces vagues d’extinction, en dépit du mince faisceau d’arguments qui pourraient attester d’une prédation humaine. Grâce à une série d’empreintes retrouvées dans le White Sands National Monument au Nouveau-Mexique, un groupe international de scientifiques semble être en mesure d’apporter la preuve de l’existence d’interactions entre des êtres humains et des paresseux géants. S’il y fait désormais bon randonner au milieu des dunes de gypse, au Pléistocène la région était constituée de vastes plaines alcalines et de nombreux lacs qui attiraient une riche faune mammalienne comprenant mastodontes, chameaux et autres tigres à dents de sabre. Dans la zone ouest du White Sands National Monument, jusqu’alors protégée par la présence d’une zone militaire proche, les chercheurs ont récemment mis au jour plusieurs centaines d’empreintes de mammifères de tout poil. Mais ce sont des empreintes de paresseux géants qui ont retenu leur attention. En cause, la présence d’empreintes humaines situées à deux pas, et parfois à l’intérieur même, de celles des paresseux.

Une empreinte de pas humaine à l’intérieur de celle d’un paresseux. Copyright Matthew Bennett.

Mais pourquoi diable ces marcheurs auraient-ils emboîté le pas aux paresseux ? Les auteurs de l’étude y voient le signe du début d’une traque. Selon eux, la nature même des sédiments, un sable meuble, impose que ces empreintes aient été faites dans un laps de temps relativement court. Les esprits les plus prudents, voire sceptiques, y verraient tout autant des marcheurs ajustant leur foulée avec celle du paresseux par pure oisiveté. Qui n’a jamais en effet essayé de marcher dans les traces d’un inconnu sur une plage de sable chaud ? Quoi qu’il en soit, la concordance de ces empreintes permet de suggérer un âge pour cette présence humaine, au minimum -11 000 ans, soit l’âge des derniers paresseux géants. Une autre observation apparaît toutefois plus convaincante et permet d’étayer la thèse d’une véritable rencontre. Les pistes de paresseux qui ne sont pas associées à d’autres empreintes ont généralement une trajectoire droite ou légèrement courbée. En revanche, à proximité d’empreintes humaines, ces pistes semblent changer brutalement de direction ou indiquent que les animaux se sont dressés sur leurs pattes arrières ce qui leur aurait permis de libérer leurs pattes avant munies de longues griffes et de pouvoir faire pivoter leur corps d’avant en arrière. Pour l’équipe de chercheurs, il s’agit là d’une preuve indiscutable d’interaction entre humains et paresseux, qu’elle fut violente ou non.

Le plan du site. Copyright Sciences advances.

Et la fin de l’histoire me direz-vous ? Les marcheurs ont-ils eu la peau du paresseux ? Pour le moment, les empreintes sont restées muettes à ce sujet, aucune trace de scène de crime n’ayant été retrouvée. Impossible dès lors de savoir si la course d’un paresseux peut-être stoppée. Il faudra pour cela attendre paresseusement que de nouvelles empreintes soient mises au jour, ce qui prendra certainement beaucoup de temps vu les dimensions du site. En bon fainéant, je suis heureux de laisser ce travail à d’autres, mais j’aime à penser que le paresseux a pu continuer sa route sans être trop dérangé par la bande de marcheurs excités qui l’entouraient.

Une reconstitution de la rencontre. Copyright Alex McClelland.

Référence :

Bustos D. et al. 2018. Footprints preserve terminal Pleistocene hunt? Human-sloth interactions in North America. Sciences advances4:eaar7621

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Publié dans : Fouilles paléontologiques,Mammifères fossiles,Nouveautés

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