Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

Pour en finir avec les fouilles paléontologiques

Le 3 mars 2014 par Jean Le Loeuff

C’est une nouvelle qui devrait réjouir ceux qui ont mal au dos ou souffrent d’un fouille-elbow* chronique, par exemple après avoir tapé trop fort sur le mythique chantier de fouilles de Bellevue à Campagne-sur-Aude. Ces petits tracas, ce sera bientôt du passé ! Enfin, soyons honnête, dans un premier temps c’est l’étape suivante qui devrait sauter, celle de la laborieuse préparation dans les laboratoires des coques de plâtre contenant les ossements encore pris dans leur gangue de roche. L’équipe de Daniela Schwarz-Wings au Museum für Naturkunde de Berlin vient de réaliser un pas décisif dans cette voie en étudiant une vertèbre de dinosaure sans la sortir de la coque de plâtre où elle avait passé les 90 dernières années.

Comme tous les musées abritant des collections de paléontologie, le Muséum d’histoire naturelle de Berlin possède un grand nombre de coques de plâtre qui n’ont pas (encore) été préparées depuis qu’elles ont été rapportées de différents chantiers de fouilles à travers la planète. Une partie du bâtiment s’étant effondrée suite à un bombardement durant la seconde guerre mondiale, certaines de ces coques de plâtre ont été mélangées, par exemple celles provenant des fouilles du Tendaguru en Tanzanie (avant la première guerre mondiale) et celles réalisées en 1927 dans le sud de l’Allemagne, sur le site à platéosaures d’Halberstadt. Bien sûr on pourrait préparer tout ça mécaniquement mais ça prendrait un temps considérable, d’où l’idée lumineuse des paléontologues allemands de réaliser un scan d’une des coques en plâtre et d’imprimer en 3D ce qu’il y a à l’intérieur. Le plâtre en question était supposé provenir du Tendaguru, le fameux gisement du brachiosaure, sauf que dedans, c’est une vertèbre de platéosaure et qu’il vient en fait d’Allemagne…

Avantage supplémentaire selon les chercheurs allemands : en procédant ainsi on préserve l’environnement du fossile et donc de précieuses informations taphonomiques que l’on saura peut-être exploiter un jour. Il y a bien entendu quelques limitations techniques pour le moment comme la taille du plâtre (ici c’est un tout petit plâtre de 5 kilos qui a été utilisé) ou encore la différence de densité entre l’os et sa gangue. Une fois ces petits détails résolus, on peut s’attendre à voir apparaître dans les collections des musées des coques en plâtre accompagnées d’un tirage 3D de leur contenu. J’y vois de très nombreux avantages : outre le gain de temps, la préparation virtuelle peut être plus complète et moins destructrice que la préparation mécanique dans le cas de pièces très fragiles. Et pour les chercheurs une copie parfaite et très légère, éventuellement téléchargeable, simplifie les manipulations. Bref vivement demain ! Ou peut-être après-demain seulement…

Pour l’étape suivante il n’y a plus qu’à attendre (mais là ce ne sera peut-être qu’après-après-demain) l’arrivée de scanners de sol pas chers et hyper-performants pour pouvoir scanner directement nos gisements et en imprimer seulement les éléments les plus intéressants grâce à une bonne connexion 8G vers notre imprimante 5D. Tel l’allumeur de réverbères, le fouilleur est voué à la disparition mais en attendant, il faudra encore un peu creuser.

*Le fouille-elbow est au paléontologue ce que le tennis-elbow est au Rafael Nadal

Référence :

René Schilling, Benjamin Jastram, Dipl-Ing, Oliver Wings, Daniela Schwarz-Wings & Ahi Sema Issever, (sous presse). Reviving the Dinosaur: Virtual Reconstruction and Three-dimensional Printing of a Dinosaur Vertebra. Radiology.

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Publié dans : Fouilles paléontologiques,Nouveautés

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5 Réponses pour “Pour en finir avec les fouilles paléontologiques”

  1. Jacques PRESTREAU dit :

    D’excellentes idées à creuser ;-)

  2. Cyril dit :

    Dans le même style, plus besoin de faire des dessins ou des moulages sur le gisement, autant scanner l’ensemble du site en 3D! Pour l’instant, il n’y a que la surface mais ne désespérons pas…

    http://news.sciencemag.org/biology/2014/02/find-along-chilean-highway-suggests-mass-stranding-whales-millions-years-ago
    http://cerroballena.si.edu/content/3d-model-mpc-684-fossil-rorqual-whale

  3. [...] C’est une nouvelle qui devrait réjouir ceux qui ont mal au dos ou souffrent d’un fouille-elbow* chronique, par exemple après avoir tapé trop fort sur le mythique chantier de fouilles de Bellevue à Campagne-sur-Aude.  [...]

  4. Automail dit :

    Méthode interessante!
    Juste une question d’une novice en paléontologie.:
    Si j’ai bien compris, vous preparez des coques de platre pour entreposer et transporter en toute securité les fossiles que vous avez pu trouver.
    Et ensuite, par manque de temps, d’interet , il se peut que certaine de ces coques ne soit jamais ouverte et quand elle le sont, il s’agit d’une opération hautement délicate, d’où le recours à cette nouvelle methode.
    Ne peut on pas mettre en place une autre methode plus efficace que les coques de platre dans ce cas pour la conservation du fossile? Et d’ailleurs avec les methodes actuelles de scan etc est on encore obligé d’extraire le fossile du sol? Ne peut on pas le scanner directement dans le sol grace a une technique quelconque et ensuite d’en visualiser tous les details tout en conservant intacte l’environnement dans lequel le fossile se trouve?

    Merci ! :D
    Romain

    • Pour répondre à votre première question les coques de plâtre contiennent à la fois le fossile et la roche qui l’englobe ; le principe, sur le terrain, est de creuser une tranchée autour d’un os découvert, puis de plâtrer tout le bloc (os + encaissant), ce qui sécurise transport et conservation préalable à la préparation. Quant aux questions suivantes, et bien je crois que le billet y répond ;-)