Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

Drôles de zèbres : la queue de Saurolophus

Le 3 avril 2014 par Jean Le Loeuff

Les hadrosaures sont un grand groupe de dinosaures herbivores du Crétacé, affublés d’un large bec aplati qui leur a valu le surnom moyennement enviable de « becs de canard ». On en trouve un peu partout sur la planète à la fin de la période. S’ils avaient donc apparemment la bougeotte, ils possèdent d’autres caractéristiques intéressantes : ils ont fait partie du menu quotidien des tyrannosaures (voir ici ou ici) et leurs crânes étaient surmontés de curieuses excroissances (voir ici). Mais c’est pas tout, mais c’est pas tout : que ce soit dans le désert de Gobi ou dans les badlands de l’Alberta, on retrouve fréquemment leurs restes momifiés, ou du moins des squelettes entourés de moulages naturels de la peau. C’était un scoop au début du siècle dernier, et l’on n’hésitait pas à sortir le carnet de chèques pour acquérir une de ces « momies » pour son musée. Il semblerait que l’une d’entre elles, sur le chemin du Muséum d’histoire naturelle de Londres, eut la malchance de croiser un navire de guerre allemand au beau milieu de l’Atlantique un jour de décembre 1916.  Les allemands arraisonnèrent le SS Mount Temple, battant pavillon canadien, et l’envoyèrent par 4000 mètres de fond, avec son précieux chargement paléontologique (ainsi que 800 chevaux qui s’en allaient faire la guerre en France). Les marins allemands capturèrent l’équipage et s’emparèrent de quelques babioles mais négligèrent, outre les malheureux équidés, les 20 caisses de fossiles expédiées par le célèbre chasseur de dinosaures canadien Charles Sternberg (l’envoi comprenait plusieurs squelettes de dinosaures, dont des hadrosaures avec des traces de peau selon le paléontologue canadien Darren Tanke). Il y aurait donc une momie d’hadrosaure quelque part au fond de l’Atlantique, avis aux amateurs de plongée sous-marine…

Les différents types de texture de la peau des hadrosaures.

Heureusement on en a trouvées bien d’autres depuis (des momies d’hadrosaure), ce qui a permis à à un autre paléontologue canadien, Phil Bell, de fort intéressantes considérations dont il sera question ici. Soulignons d’abord que s’il existe de nombreux genres d’hadrosaures, Bell s’est consacré au genre Saurolophus et à ses deux espèces : Saurolophus osborni  du Canada et Saurolophus angustirostris de Mongolie. C’est l’une des expéditions soviétiques dirigées par le paléontologue Ivan Efremov (dont j’ai évoqué ici l’autre carrière littéraire) en 1947 qui a découvert le gisement de la Tombe du Dragon, une accumulation de squelettes de Saurolophus comprenant de nombreuses empreintes de peau. Et c’est le légendaire Barnum Brown himself qui découvrit les squelettes canadiens dans le sud de l’Alberta juste avant la première guerre mondiale.

La peau de la queue de Saurolophus angustirostris avec ses rayures de petites écailles (flèches en bas à gauche)

De nombreuses empreintes de peau associées à différentes parties du corps (de la tête à la queue) sont donc conservées sur les deux sites. Reprenant les travaux de quelques prédécesseurs, Bell rappelle que cet épiderme montre différentes ornementations : des petites écailles polygonales ou arrondies constituent l’essentiel de la peau, laquelle est aussi parsemée de grosses écailles polygonales irrégulièrement réparties. La peau de la queue est partiellement conservée chez les deux espèces de Saurolophus ; Phil Bell a donc pu comparer les différences de texture, et le résultat est plutôt spectaculaire : chez l’espèce mongole, des bandes verticales de petites écailles séparent des zones montrant un mélange de fines et grosses écailles ; par ailleurs une ligne de grosses écailles surmonte la queue de l’animal. Chez Saurolophus osborni rien de tel : quelques écailles plus grosses entourées d’écailles plus petites et de tissu interstitiel, bref pas de crête ni de rayures.

S. osborni (en haut) et S. angustirostris (en bas) par L. Xing et Y. Liu

On en déduit qu’outre les différences squelettiques, on peut reconnaître les espèces d’hadrosaures d’après leur aspect extérieur : queue zébrée et crête dorsale chez Saurolophus angustirostris et queue pommelée chez S. osborni.

Et chez les dinosaures sauropodes par exemple, ça se passe comment ? Manque de peau, on ne connaît presque aucune trace de leur épiderme pour l’instant…

Michel, on avait dit des rayures…

Phil R. Bell, 2012. Standardized Terminology and Potential Taxonomic Utility for Hadrosaurid Skin Impressions: A Case Study for Saurolophus from Canada and Mongolia. PLoS ONE Volume 7, Issue 2, e31295.

Darren Tanke http://www.ssmounttemple.com/alberta.htm

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Publié dans : Amérique du Nord,Asie,Ornithopode

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1 Réponses pour “Drôles de zèbres : la queue de Saurolophus

  1. [...] Les hadrosaures sont un grand groupe de dinosaures herbivores du Crétacé, affublés d’un large bec aplati qui leur a valu le surnom moyennement enviable de « becs de canard ». On en trouve un peu partout sur la planète à la fin de la période.  [...]

  2. [...] “Les hadrosaures sont un grand groupe de dinosaures herbivores du Crétacé, affublés d’un large bec aplati qui leur a valu le surnom moyennement enviable de « becs de canard ». On en trouve un peu partout sur la planète à la fin de la période.”  [...]

  3. Grégoire Testaz dit :

    Le « The » problème des momies d’hadrosaures au fond de l’Atlantique, ce sera celui des paléontologues de l’an 23 000 ap. JC, si elles échappent à une hypothétique subduction: mais que faisaient des hadrosaures par 4000 m de fond…?