Le Dinoblog

La paléontologie dans tous ses états, par l'équipe du musée des dinosaures

Il a déjà été question au DinOblog (ici) des insectes découverts dans le gisement chinois du Jurassique moyen de Daohugou en Mongolie Intérieure. On y avait découvert des mouches étranges qui passaient une partie de leur vie sous l’eau et qui présentaient un fort dimorphisme sexuel. On avait même observé un couple pétrifié en plein accouplement. Eh bien, sachez que les aventures amoureuses des insectes chinois ne sont pas terminées ! Dans un article publié dans la revue PLoS ONE, Shu Li et ses collègues décrivent une nouvelle et torride scène de sexe chez des insectes trouvés également dans les couches de Daohugou. Etrangement, cet article ne fait pas mention du papier sur les mouches découvertes dans le même site alors que les dates de soumission l’auraient permis. Mais revenons à nos ébats, ou plutôt aux ébats de nos petits cercopes.

Cercope, qu’ès acò ? Et bien ce sont les auteurs des « crachats de coucou » ! Mais si, vous savez, ces petits amas de bave que l’on rencontre sur la végétation lorsqu’on se balade dans les prés et qu’on confond avec de la bave de renard ou, comme leur nom semble l’indiquer, avec une improbable bave de coucou. A l’intérieur de ces petits amas se trouve une larve mignonnette, la larve du cercope, qui fabrique une mousse pour se protéger du froid et des méchants prédateurs.

Une nymphe de cercope à côté de son amas de bulles. © http://entomofaune.qc.ca/entomofaune/cercopes/cycle_de_vie.htm

Papa et maman cercope sont des insectes appartenant au même groupe que les punaises, les cigales, les cicadelles et autres pucerons, en un mot les hémiptères. Le nouveau fossile chinois les montre justement en train de fabriquer bébé cercope il y a 165 millions d’années. Comme il s’agit d’une nouvelle espèce, elle a été nommée Anthoscytina perpetua, du latin perpet, qui ne signifie pas « au mitard pour le reste de ses jours » mais « (amour) éternel ».

Accouplement du cercope Anthoscytina perpetua tel qu’il est préservé dans les couches du Jurassique moyen de Daohugou (gauche) et tel qu’on l’a reconstitué (droite).

Et là, ça devient chaud. On distingue nettement sur le fossile le mâle introduire son édéage dans la bursa copulatrix de la femelle (vous voyez ce que je veux dire), les deux partenaires étant positionnés face à face. Les auteurs de l’article nous expliquent que les amoureux pouvaient tout aussi bien être placés côte à côte lors de l’accouplement, comme le font leurs descendants actuels, mais que les affres de la fossilisation les auraient déplacés dans un face à face éternel. Ce qui est intéressant dans cette position ventre contre ventre – enfin, dans l’étude scientifique de cette position – c’est que le mâle n’était pas sur la femelle. Et ce détail est important car la position « mâle sur femelle » est une position d’accouplement considérée comme archaïque pour les insectes, bien que moins archaïque que la position « femelle sur mâle », la position la plus primitive qui soit et que je qualifierais ici de bestiale. Ces considérations comportementales sont extraites du Kama-Sutra des insectes, un article de 2010 de Bernhard A. Huber de Bonn intitulé « Mating positions and the evolution of asymmetric insect genitalia ». On y découvre donc l’évolution des positions d’accouplements chez les insectes et, comme le dit la seconde partie du titre, l’évolution de l’asymétrie des génitalia. Car, chez ces bêtes-là, la zézette des femelles et plus encore la quéquette des mâles sont souvent asymétriques. Les pressions sélectives à l’origine de cette évolution seraient un meilleur contrôle de la femelle par le mâle lors de l’accouplement. Sans commentaire. Visiblement ce n’était pas le cas chez le couple de cercope chinois qui avait chacun des génitalia bien droits et bien symétriques.

Schéma illustrant l’évolution des positions d’accouplement et l’apparition de l’asymétrie des génitalia des insectes. © Huber, 2010

Bien que le cercope jurassique de Chine appartienne à un genre et une espèce éteinte, le mode d’accouplement observé sur le fossile fait dire aux auteurs de l’article que la position d’accouplement dans ce groupe est resté statique pendant 165 millions d’années : un exemple d’une longue stase évolutive, mais aussi d’un manque d’imagination certain.

Références

Huber, B.H. 2010 Mating positions and the evolution of asymmetric insect genitalia. Genetica 138: 19-25.

Li S, Shih C, Wang C, Pang H, Ren D. 2013. Forever Love: The Hitherto Earliest Record of Copulating Insects from the Middle Jurassic of China. PLoSONE 8(11): e78188. doi:10.1371/journal.pone.0078188

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Publié dans : Asie,Entomologie,Invertébrés

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0 Réponses pour “Accouplement de cercopes en Mongolie Intérieure ou le Kama-Sutra des insectes”

  1. [...] Il a déjà été question au DinOblog des insectes découverts dans le gisement chinois du Jurassique moyen de Daohugou en Mongolie Intérieure. On y avait découvert des mouches étranges qui passaient une partie de leur vie sous l’eau et qui présentaient un fort dimorphisme sexuel. On avait même observé un couple pétrifié en plein accouplement. Eh bien, sachez que les aventures amoureuses des insectes chinois ne sont pas terminées !  [...]

  2. [...] [...]Papa et maman cercope sont des insectes appartenant au même groupe que les punaises, les cigales, les cicadelles et autres pucerons, en un mot les hémiptères. Le nouveau fossile chinois les montre justement en train de fabriquer bébé cercope il y a 165 millions d’années. Comme il s’agit d’une nouvelle espèce, elle a été nommée Anthoscytina perpetua, du latin perpet, qui ne signifie pas « au mitard pour le reste de ses jours » mais « (amour) éternel ».[...]  [...]