Un peu de coprologie, ça faisait longtemps ! Merci à Lionel Cavin d’avoir réactivé mes penchants les plus scatologiques en me signalant le passionnant article dont il sera question aujourd’hui et dont le premier auteur est le chercheur polonais Grzegorz Niedźwiedzki. Grzegorz et ses collègues se sont intéressés à la répartition temporelle des abondantes crottes fossilisées à la transition permo-triassique en Russie européenne, plus précisément dans le bassin de Vyazniki. Rappelons que le Permien est la dernière période du Paléozoïque et que le Trias inaugure le Mésozoïque, et aussi qu’entre les deux est survenue la plus grande extinction de masse de l’histoire de la vie, qui faucha neuf dixièmes des espèces vivantes.
Il se trouve que dans les couches géologiques concernées, les auteurs ont découvert une bonne quantité de coprolithes avant et après la limite Permo-Trias, identifiant 9 morphotypes différents d’étrons paléo et mésozoïques. Pour ceux de mes lecteurs qui ne seraient pas encore familiers, malgré mes efforts répétés, de ces bronzes fossilisés je recommande en guise d’introduction la lecture de ce billet dont le titre témoigne à lui seul des désordres de l’esprit de son auteur : Vomi, caca, pipi, prout et crotte de nez – les mots de la paléocradologie.
La première étape de ce brillant travail a consisté à rendre à chacun son caca. Ainsi les étrons spiralés furent-ils produits par des poissons, notamment des requins et des dipneustes (j’ai déjà évoqué ces petites merveilles ici) ; les bouses sont le produit de la défécation de reptiles herbivores, ici des paréiasaures (d’étranges reptiles microcéphales au corps volumineux) et des anomodontes (des reptiles mammaliens) ; les longues fientes sont celles des thérapsides (reptiles mammaliens carnivores) et des archosauriformes, les prédateurs de cette lointaine époque ; des crottes plus ramassées sont attribuées à des amphibiens et reptiliomorphes aquatiques. C’est donc tout un bestiaire varié qui se révèle dans cette collection de chiures.
Ensuite, c’est à la répartition stratigraphique de leurs découvertes que nos auteurs se sont intéressés. Ils constatent que seulement trois des neuf morphotypes de coprolithes du Permien terminal se retrouvent dans le Trias inférieur. Disparaissent notamment les productions des grands reptiles herbivores et carnivores. Et ce n’est pas en raison d’une constipation passagère en cette fin de Paléozoïque mais pour une raison plus définitive : l’extinction d’un grand nombre de nos joyeux défécateurs à la limite Permo-Trias dont bien évidemment les grands herbivores et carnivores.
Il n’est pas surprenant que des espèces disparues ne puissent plus chier, il est même réconfortant pour l’esprit de constater que l’extinction des fèces va de pair avec celle de leurs fabricants. L’intérêt de ce travail, c’est que dans ces niveaux les cacas fossilisés sont plus abondants que les squelettes. Il est donc plus commode, pour analyser finement le timing de l’extinction, de se fier à la répartition stratigraphique des abondants coprolithes plutôt qu’à celle des rares squelettes. Ici, ces coprolithes confirment la chronologie des événments à la limite Permo-Trias. La coprostratigraphie a de beaux jours devant elle, ce qui me réjouit au-delà de ce que je pensais.
Référence :
Grzegorz Niedźwiedzki, Piotr Bajdek, Martin Qvarnström, Tomasz Sulej, Andrey G. Sennikov, Valeriy K. Golubev, 2016. Reduction of vertebrate coprolite diversity associated with the end-Permian extinction event in Vyazniki region, European Russia. Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology 450: 77–90
Publié dans : Coprolithe,Extinctions,Stratigraphie
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Quelle poésie
M… alors !
[...] Un peu de coprologie, ça faisait longtemps ! [...]